
Projet BIOsphère et PAtrimoines du Lac Tchad (BIOPALT)
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Insolite potentiel
« Lac Tchad, insolite potentiel » dévoile les multiples facettes du bassin du lac Tchad : sa variabilité, sa diversité et les opportunités qu’il offre. Chacun des panneaux est en lien direct avec les activités mises en œuvre dans la région dans le cadre du projet Biosphère et Patrimoines du Lac Tchad : de la préparation des dossiers de réserves de biosphère et site du patrimoine mondial transfrontalier, à la mise en œuvre d’activités d’économies vertes au profit des communautés en passant par la réhabilitation d’écosystèmes dégradés. A travers cette galerie photo, c’est la contribution du potentiel insolite du lac Tchad pour atteindre les Objectifs de Développement Durable qui apparait. En cette année internationale des langues autochtones, chaque panneau est présenté en 4 langues locales en sus du français et de l’anglais : le kanembou, le boudouma, le kanouri et le fulfulde.
Le kanouri est un continuum linguistique qui s’est développé autour du lac Tchad notamment à travers le Royaume du Kanem-Bornou. Il appartient à la famille des langues nilo-saharienne. Des langues ou dialectes kanouri sont parlées tout autour du lac : les provinces bordant le lac au Tchad, dans les États de Bornou et Yobe au Nigeria, ainsi que dans l'Est du Niger, ou l’extrême nord du Cameroun. C’est dans l’État du Bornou au Nigeria que l’on trouve le plus grand nombre de locuteurs du kanouri. La ville de Maiduguri, située dans cet État est considérée comme la ville principale des Kanouri. C’est la ville où il y a le plus de kanouriphones et la résidence du sultan de Bornou, autorité traditionnelle. C’est le dialecte de Maiduguri qui est présenté ici sous le nom de Kanouri.
Le kanembou, autre variante du kanouri, est également présenté. Il est parlé par le peuple du même nom qui se trouve principalement sur la rive nord du lac Tchad, au Tchad. Ce peuple est issu du royaume du Kanem. Ce dernier a duré plus de 1000 ans avec une apogée autour des XI et XIIème siècles. C’est à cette période que ce peuple s’est installé dans la région du Kanem dans ce qui est aujourd’hui le Tchad avant de s’étendre. Leur contrôle des puits sahariens ont fait d’eux des éléments incontournables du commerce dans la région. Le royaume est renversé au XVIème siècle. Les survivants de la famille dirigeante trouvèrent refuge à l’ouest du lac Tchad, où naquit l’Empire du Bornou.
Le boudouma est la langue de peuples vivant sur les îles de la cuvette nord du lac Tchad et sur les rives du nord jusqu’au Niger. Dans leur langue, ils se nomment le peuple yédina. Ils sont voisins du peuple kouri qui vit sur les îles du sud et qui a donné son nom à la race de vache emblématique de la région. L’histoire de ce peuple a été peu documentée. Il existe plusieurs versions de leurs origines mais toutes se centrent sur l’eau et le lac Tchad, ce qui démontre un attachement à la zone. Peuples méconnus, ils étaient craints de leurs voisins des rivages à cause de leurs raids réguliers sur les villages à la belle saison. Experts en navigation, ils se déplaçaient sur des kadeys, des longues et étroites pirogues de papyrus.
Le fulfulde est la langue parlée par le peuple peul. Le mot peul en français est dérivé du terme utilisé par les Wolofs désignant ce peuple. En fulfulde, un membre est appelé Pullo mais le pluriel est Fulbe. Ainsi, ils sont appelés en anglais Fulanis ou en allemand Fulas ou Ful. Ils sont un peuple nomade, présent sur toute la bande sahélienne en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale. Au Tchad, au Cameroun, au Nigéria et en République centrafricaine se trouvent des peuls M’Bororo. Ils sont éleveurs des M’Bororoji, des bœufs rouges à longues cornes, d’où ils tirent leur nom. Vivant au plus près de leur bétail, ils les suivent lors de leurs transhumances en quête de pâturage et d’eau.
Mon lac, Mon avenir (pirogue)
Pirogue: mara (kanembou) kadey (boudouma) kadai (kanuri) kobewal (fulfulde)
La pirogue est un emblème du paysage culturel du lac Tchad. Faite en papyrus (les kadeys des Boudouma), ou en bois de grande taille surmontée d’un filet (les wam-zemi pour les Kotoko sur les fleuves Chari et Logone), ou en bois de petite taille, la pirogue est au cœur de la vie du lac. Elle a servi et sert encore pour les déplacements et pour la pêche. Il n’est pas rare de voir le lac se peupler de pirogues de pêcheurs au petit matin. Les pirogues sont ainsi symboles d’échange et de partage et témoignent du savoir-faire et de l’adaptation des communautés à leur environnement. Avec les activités mises en place par le projet BIOPALT, ce sont autant de qualités qui seront renforcées et qui permettront d’assurer un avenir durable pour les habitants du lac.
Sans frontières (pastoralisme)
Pastoralisme: sine (kanembou) hane (boudouma) sə́nye (kanuri) dourgol / gainaka (fulfulde)
L’élevage constitue un des fondements de l’économie dans la région du lac Tchad. Les troupeaux représentent un important capital, produisant la viande, le lait, ou encore les peaux. L’élevage pastoral qui s’y pratique, en particulier, est l’héritier de traditions anciennes liées aux cycles des saisons et aux contraintes climatiques. Le pastoralisme nomade se caractérise par un élevage extensif, c’est-à-dire où les troupeaux pâturent sur de grandes étendues et sur des trajets irréguliers.
Le peuple peul M’Bororo est un peuple nomade et ses membres sont présents du Nigéria jusqu’à la République centrafricaine, en passant par le Tchad et le Cameroun. C’est un peuple d’éleveurs d’une variété de zébu rouge appelés M’Bororoji. Ils se déplacent sur des longs parcours de transhumance à travers les pays au grès des sources d’eau et pâturages disponibles. L’alimentation du bétail constitue une préoccupation majeure dans le bassin et les éleveurs font face à des défis grandissants. Mais depuis la grande sécheresse des années 1980 et avec la désertification, les parcours ont parfois été réduits, réduisant le temps de régénération de chaque lieu de pâturage. De plus, l’insécurité sur les îles du lac Tchad, contrôlées par les membres de la secte de Boko Haram, a également fait dévier les couloirs traditionnels de transhumance. Enfin, le passage des troupeaux peut être la source de conflits lorsque les routes traditionnelles sont entrecoupées par la transformation des terres fertiles du bassin du lac Tchad en champs de culture.
Ces conflits liés à l’accès aux ressources naturelles peuvent être atténués grâce à la méthode PCCP (Potentiel Conflit à Coopération Potentielle) appliquée par l’UNESCO. Ce programme de formations avec les parties prenantes permet de faciliter les dialogues, renforcer les capacités et gérer les ressources naturelles de manière pacifique. Le programme a été élaboré pour la gestion des ressources hydrauliques transfrontières. Dans le cadre du projet BIOPALT, ce système est étendu à toutes les ressources naturelles. Des formations de formateurs appartenant à diverses catégories d’acteurs sont organisées pour pouvoir atteindre 30.000 individus d’ici la fin du projet en 2020.
Migration (éléphant)
Eléphant: mame (kanembou) tambali (boudouma) kə̀mówùn (kanuri) djiwa (fulfulde)
Le bassin du lac Tchad abrite une population importante d’éléphants de savane d’Afrique. On les rencontre le long des rivières Chari et Logone, de la République centrafricaine jusqu’au Tchad en passant par le Cameroun. Pour trouver sa nourriture, les troupeaux d’éléphants migrent sur de longues distances, ils ont d’ailleurs des territoires distincts entre la saison sèche et la saison des pluies. Par exemple, à la saison sèche, pour 9 à 10 mois, on les voit entre la zone de Kousseri, au Cameroun, jusqu’au lac Tchad.
Ces migrations aident à l’équilibre de la biodiversité et au renforcement des écosystèmes. Les éléphants sont les architectes des paysages comme la création de pâturage pour les animaux. Ils aident à la dispersion des graines et leurs déchets fertilisent les sols.
L’éléphant de savane d’Afrique est classé vulnérable sur la Liste rouge de l’UICN. En Afrique centrale, 75% de l’espèce a disparu en 40 ans. Chassés par les braconniers pour leur ivoire, voyant leurs habitats réduits et abattus pour protéger les cultures, la cohabitation entre les humains et les éléphants est des plus difficiles. La création de réserves de biosphère et d’un site du patrimoine mondial transfrontalier dans le bassin du lac Tchad contribuera à la conservation de l’éléphant et de son habitat et à l’amélioration de ses relations avec les humains. Dans le cadre du projet BIOPALT, l’UNESCO accompagne les pays du bassin du lac Tchad à la création de plusieurs réserves de biosphères nationales et/ou transfrontières et d’un site du patrimoine mondial transfrontalier. Ces écosystèmes conjuguent la conservation de la nature et le développement humain.
Or vert (spiruline)
Spiruline: dié / doui (kanembou) lawi (boudouma) dié (kanuri) no mbobi (fulfulde)
La spiruline (Arthrospira platensis) est une algue bleue riche en protéine (60 à 70% de la matière sèche) et en vitamines ; elle a un effet détoxifiant naturel, elle est antioxydante et redynamisante au niveau du système .immunitaire. En comparaison, 15g de spiruline contiennent autant de protéines que 100g de bœuf. Ces valeurs font de la spiruline un aliment particulièrement intéressant pour combattre la malnutrition. Originaire du lac Tchad où elle est utilisée par les femmes du Kanem depuis des millénaires, elle est aujourd’hui produite facilement de manière, à grande échelle dans divers pays à des fins alimentaires ou encore cosmétiques.
La spiruline se développe dans les nappes d’eau des petits oasis (wadi) autour du lac, particulièrement dans la région tchadienne. Elle est récoltée principalement par les femmes dans les régions du Kanem et du lac du Tchad. L’eau des mares est récoltée dans des récipients en fer et versée dans une cuve sphérique dans le sable. Celle-ci filtre l’eau et laisse les dépôts d’algue. Ces dépôts sont ensuite versés à même le sable en forme de galette de 2 cm environ et sont laissés pour sécher au soleil. Les galettes sont ensuite coupées en morceaux et le sable est retiré. Elles sont vendues sur le marché ou exportées dans les pays voisins.
Ces pratiques, ces gestes répétés et précis, traduisent de l’intégration toute particulière de la spiruline dans le paysage culturel du lac Tchad. C’est la raison pour laquelle elle figure dans le dossier de proposition d’inscription du « paysage culturel du lac Tchad » sur la Liste du patrimoine mondial proposé par le Cameroun, le Niger, le Nigéria et le Tchad et que le projet BIOPALT accompagne.
BIOPALT s’attache également à soutenir les populations locales dans leurs projets d’économie verte concernant la production de l’algue et dans un projet pilote de réhabilitation écologique d’un lieu de production de spiruline afin de développer durablement l’activité de ces femmes et améliorer leurs revenus.
Zone importante pour la conservation des oiseaux (oiseau)
Oiseau: ngoudo (kanembou) koulii (boudouma) ngúdò (kanuri) zondou (fulfulde)
Le programme Zones Importantes pour la Conservation des Oiseaux (ZICO) est une initiative de coopération mondiale dans le cadre du programme Birdlife International. Une ZICO est un site à protéger qui est essentiel à la conservation des oiseaux. Pour être classé ZICO, un site doit soit : être l’habitat d’une espèce reconnue internationalement comme en danger, l’habitat d’un grand nombre d’oiseaux migrateurs, ou être l’habitat d’un grand nombre d’espèces au biotope restreint.
Le lac Tchad accueille les plus grandes populations d’oiseaux du Sahel. Il est un site majeur pour les oiseaux d'eau migrateurs venant d'Europe et d'Asie. Au moins 70 espèces d’oiseaux y font escale chaque année. On y rencontre également des espèces afro tropicales et son bassin est le refuge de toutes les espèces de vautours de l’Afrique de l’Ouest. Trois espèces appartenant à ce site sont classées quasi-menacées dans la Liste rouge de l’UICN (2018) tandis qu’ une espèce est classée vulnérable.
L’oiseau en encadré est la grue couronnée (Balearica pavonina). Son aire de répartition va du Sénégal à l’Ethiopie le long du Sahel. Elle fréquente les zones mixtes humides et herbeuses. Elle est visible également au bords des fleuves et lacs peu profonds comme le lac Tchad. Elle peut également être aperçue à la suite de troupeaux d’herbivores qui délogent des insectes lors de leurs déplacements. Elle est classée vulnérable selon l’UICN du fait de la disparition de son habitat et son commerce illégal.
Les activités de réhabilitation d’écosystèmes dégradés entreprises dans le cadre du projet BIOPALT ont également pour objectifs de conserver les habitats critiques des oiseaux. De même la création de réserves de biosphère et d’un site du patrimoine mondial transfrontalier dans le bassin du lac Tchad contribuera à la conservation des oiseaux et de leurs habitats.
Qualité de l'eau (eau)
Eau : indji (kanembou) amai (boudouma) njî (kanuri) diyam (fulfulde)
L’eau propre est vitale pour la santé humaine, les écosystèmes, la biodiversité et la sécurité alimentaire. Le lac Tchad est une ressource indispensable aux moyens de subsistance de millions de personnes. Cependant, la détérioration de la qualité de l'eau et la pollution croissante de l'eau dans le lac Tchad entrave la croissance économique, aggrave les problèmes sanitaires et menace le développement durable et la paix dans la région. Dans la région du lac Tchad, une personne sur trois n'a pas accès à de l'eau potable. Cette crise de l'eau potable est à l'origine du déplacement de populations locales, dont des femmes, des enfants, des pauvres et des défavorisés. La pollution de l'eau dans le lac Tchad met également en péril la pêche, l'agriculture et l'élevage des communautés locales.
Le projet BIOPALT accompagne particulièrement les pays partageant le Lac Tchad dans leurs efforts pour réduire significativement la pollution de l'eau et à améliorer la qualité de l'eau du lac. Dans le cadre de ce projet, un suivi en temps quasi réel de la qualité de l'eau du lac Tchad et de ses affluents sera disponible en utilisant des images satellite via le Portail mondial sur la qualité de l’eau de l'UNESCO développé dans le cadre de l’Initiative internationale sur la qualité de l’eau du Programme hydrologique international de l'UNESCO. Des données dérivées de satellites sur la qualité de l'eau (la turbidité, la chlorophylle, des matières organiques, etc.), ainsi que sur la surface du lac, seront disponibles régulièrement sur le Portail. Cette approche novatrice de la surveillance de la qualité de l’eau par satellite permettra l’élaboration de politiques fondées sur la science pour réduire la pollution de l’eau (telle que la croissance excessive d’algues ou la chlorophylle) et la gestion durable de la précieuse ressource en eau du lac Tchad. Cela contribuera également à la santé humaine, au développement économique et à la paix dans la région.
Variabilité (lac)
Lac : broume (kanembou) koulou (boudouma) kùlúwù (kanuri) weedou (fulfulde)
Le lac Tchad est le quatrième plus grand lac d'Afrique et le plus grand d'Afrique occidentale et centrale. Sa grande superficie aurait pu séparer ses habitants, mais au contraire, elle les rapproche. Les traditions, les croyances et les modes de vie des peuples sont tous centrés sur cet écosystème unique. Elle permet des échanges entre ses habitants et forme ainsi un véritable paysage culturel.
Le lac Tchad est unique par sa variabilité. Le volume d'eau du lac varie selon les saisons et les précipitations annuelles. Avec une réduction d'environ 90 % de sa superficie au cours des 40 dernières années, on craignait que le lac soit sur le point de disparaître. La diminution des précipitations, à son tour causée par le changement climatique, et les activités humaines non durables sont les principales causes de la baisse du niveau d'eau du lac. Toutefois, la superficie du lac a légèrement augmenté dernièrement. Cela montre que le lac Tchad est très sensible à la variabilité et aux changements climatiques.
L'année de référence 1973 montre un lac dans sa forme caractéristique et l'année 1986 la perte importante d'eau. Les années 2000 et 2018 montrent le remplissage du lac dans ses bassins nord et sud. Cependant, ces photos peuvent être trompeuses. La faible profondeur du lac (2 à 3 m par endroits) apparaît comme la terre sur les photos satellites alors qu'il s'agit du lac. De même, la végétation (rouge en 1973 et verte les années suivantes) peut suggérer qu'il s'agit de terres, mais cela ne tient pas compte de la végétation flottante.
L'un des objectifs du projet BIOPALT est d'améliorer la connaissance du lac. L'évolution de la superficie du lac sera suivie par des images satellites sur une base saisonnière grâce au Portail mondial de l'UNESCO sur la qualité de l'eau. L'analyse de ces informations satellites sur la superficie du lac, couplée aux données climatiques et pluviométriques et aux informations provenant du sol, renforcera la connaissance du lac Tchad et donc les capacités à mieux prédire la variabilité du lac et, à terme, à renforcer la résistance des populations.
Résilience (inondation)
Inondation : idji-ndjbo (kanembou) amainamblaa (boudouma) ambaliya (kanuri) ilam (fulfulde)
Les inondations se produisent dans la région du lac Tchad à chaque fois que les affluents du lac débordent à la suite de fortes pluies. En 2019, des inondations se sont produites de la zone du lac Tchad au Niger, suite au débordement de la rivière Komadougou Yobé qui alimente le lac. Environ 23.000 personnes ont été forcées de quitter leur foyer, des champs rizicoles ont été noyés. Cette crise écologique a provoqué une crise humanitaire majeure. Le projet BIOPALT travaille à renforcer les capacités de résilience des communautés locales et des institutions des pays du bassin du lac Tchad sur le suivi et l’alerte aux inondations, mais aussi aux sècheresses. A cet effet, il développe un partenariat avec le Centre régional AGRHYMET basé au Niger et spécialisé dans l'information et la formation en hydrologie et de la gestion des ressources naturelles. Ce Centre réalise une cartographie des zones vulnérables aux risques d’inondation dans le bassin du Lac-Tchad et met en place un système d’alerte précoce aux inondations.
Interdépendances (wadi)
Wadi : bodo (kanembou) ngouherra (boudouma) kùlúwù (kanuri) tchofol (fulfulde)
Les wadis sont des mares qui constituent un système complexe alimenté par les eaux de pluie, les eaux souterraines et les eaux en provenance du lac. Son niveau est intermittent, à sec sauf pendant la saison des pluies où il est remplit d’eau offrant ainsi des crues spectaculaires. Pendant la saison chaude et sèche, cet écosystème est un facteur de production essentielle pour les communautés riveraines qui y pratiquent l’agriculture de contre-saison, le maraîchage et y font paître du bétail. Il n’a hélas pas été épargné par la crise écologique du lac Tchad. Plusieurs wadis se sont asséchés. Le projet BIOPALT met en œuvre une action pilote de réhabilitation d’un wadi dans la localité de Njar-Ngourta près de Bol au Tchad. Cette action facilitera la cohabitation entre agriculteurs et éleveurs de sept villages et contribuera à la promotion de la paix et du Vivre ensemble.
Adaptation (vache kouri)
Vache Kouri : feu boré (kanembou) ha boré (boudouma) kuri (kanuri) naggé kouri (fulfulde)
La vache kouri est une espèce endémique du lac Tchad. Elle est associée à une tradition séculaire de nomadisme fortement ancrée dans l’identité culturelle des communautés du lac Tchad. Elle est reconnaissable par ses cornes hautes (jusqu’à 1m !) et épaisses, sa robe blanche et son absence de bosse. Cette race est l’une des plus anciennes du continent africain. Elle est aussi appelée kuburi, vache blanche du lac ou encore boudouma. On ne la trouve que dans les îles et sur les berges du lac Tchad. La vache kouri est non seulement très bien adaptée à son environnement semi aquatique, elle est également très bonne productrice de lait (4 à 6 litres par jour contre 1 et 2 litres par jour pour les autres espèces de la région). Ces données ne démontrent pas seulement les capacités d’adaptation de la race mais également l’étendue du savoir et des pratiques des éleveurs la concernant.
Malgré l’importance de sa présence dans la zone du lac, la vache kouri est en voie de disparition ou de dilution avec les autres espèces. La dégradation de la situation sécuritaire a conduit les éleveurs à quitter la zone du lac et à se replier sur les terres fermes. Afin de palier à cela, le projet BIOPALT apporte un appui à l’ONG Kouri basée dans la région du lac Tchad au Niger, dans la création d’une ferme fourragère, éloignée des zones d’insécurité du lac pour produire et servir les éleveurs des taurins Kouri en fourrages appétés par ces animaux. Cette activité bénéficiera à près de 5.000 personnes dont 2.000 femmes.
Solidarité (pêche)
Pêche: bini djettou (kanembou) bini kinda (boudouma) bə́nyì kə́nta (kanuri) gawago (fulfulde)
La pêche est une activité économique séculaire au lac Tchad. Elle se pratique presqu’entièrement par des pêcheurs autochtones sur leurs pirogues suivant des pratiques traditionnelles. La filière pêche constitue une source de revenu contribuant à la réduction de la pauvreté et à la sécurité alimentaire. Elle est également vectrice de cohésion sociale et intégrée aux pratiques culturelles. Ainsi, des démonstrations de pêche accompagnent parfois les mariages et les fêtes religieuses. Il n’est pas rare non plus de voir un pêcheur déposer une offrande à un esprit du lac, dont l’identité, les capacités et les caprices dépendent des villages ou des peuples.
La pêche est également un exemple de solidarité que l’on peut trouver autour du lac. Au Cameroun par exemple, des pêches collectives se pratiquent sur plusieurs jours pendant la saison chaude principalement. Le jour où cette photo a été prise, les captures ont été divisées en deux : une partie a été utilisée pour la consommation des ménages impliquées dans la pêche tandis qu’une autre a contribué à la mise en œuvre de projets sociaux.
Toutefois, les pratiques utilisées pour pêcher à grande échelle, comme lors des pêches communautaires, ne sont plus durables en raison des grandes quantités de poissons désormais nécessaires pour pallier aux besoins des communautés. Les nombre et la fréquence des prises ayant augmenté, les poissons pêchés sont de plus en plus jeunes et petits compromettant ainsi le renouvellement des stocks. Dans le cadre du projet BIOPALT, l’UNESCO et ses partenaires mettent en œuvre une action pilote de réhabilitation d'une frayère pour faciliter la reproduction des espèces dans une perspective de durabilité de cette activité.
Savoir-faire (paysage culturel)
Paysage culturel: hal lardouyé (kanembou) ding dindii (boudouma) adan'de (kanuri) tabiyadji boymadji (fulfulde)
Le lac Tchad a pour particularité d’être couvert par environ 942 îles dont de nombreuses sont habitées par plusieurs communautés qui vivent de ses ressources et perpétuent des modes traditionnels de vie assurant leur résilience. Cette cohabitation entre les humains et la nature qui remonte à l’ère paléolithique donne une véritable dimension de paysage culturel à ce vaste lac. Il n’existe pas d’autre paysage lacustre habité par les êtres humains d’une telle immensité géographique sur terre.
Le projet BIOPALT accompagne le Cameroun, le Niger, le Nigéria et le Tchad dans la préparation d’un dossier de proposition d’inscription du « Paysage culturel du lac Tchad » sur la Liste du patrimoine mondial.
Le terme « paysage culturel » recouvre une grande variété de manifestations de l'interaction entre les humains et son environnement naturel. Les paysages culturels reflètent souvent des techniques spécifiques d'utilisation durable des terres, prenant en considération les caractéristiques et les limites de l'environnement naturel dans lequel ils sont établis, ainsi qu'une relation spirituelle spécifique avec la nature. La protection des paysages culturels peut contribuer aux techniques modernes d'utilisation durable et de développement des terres tout en conservant ou en améliorant les valeurs naturelles du paysage. L'existence permanente de formes traditionnelles d'utilisation des terres soutient la diversité biologique dans de nombreuses régions du monde. La protection des paysages culturels traditionnels est par conséquent utile pour le maintien d'une diversité biologique.
La Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel a été le premier instrument juridique international à reconnaître et à protéger les paysages culturels en 1992.
Tradition (musique)
Musique: biké (kanembou) algai (boudouma) kayya (kanuri) pidjirlé (fulfulde)
La sauvegarde du lac Tchad passe par la prise en compte de la dimension culturelle qui fonde l’identité, les modes de vie, les pratiques et connaissances traditionnelles des communautés locales. La musique est un important élément fédérateur et de cohésion sociale au sein des populations du lac Tchad. Elle constitue un véritable patrimoine culturel immatériel. Les savoirs faire sont transmis oralement de génération en génération. Parmi les instruments de musique emblématiques du lac figure la flûte.
Bâtisseuses (femme)
Femme: kamou (kanembou) ngreem (boudouma) kamu (kanuri) debbo (fulfulde)
Les femmes du lac Tchad sont de véritables bâtisseuses. Elles sont les premières à se lever le matin et les dernières à se coucher le soir. Elles ont des vocations multidimensionnelles et participent à toutes les activités de la vie quotidienne. Sans elles, le lac Tchad ne saurait être un paysage culturel car elles jouent un rôle fondamental dans l’interaction entre les communautés et la nature. A titre d’exemple, ce sont les femmes qui construisent généralement les maisons. Celles-ci sont faites à base de matériaux locaux disponibles sur place comme la terre, le bois et des fibres diverses. Certains micro villages sont construits sur le même modèle, dont se dégagent une réelle harmonie entre les aménagements humains et éléments de la nature.
Restituer (communauté)
Communauté: kindjili (kanembou) miyaou nglaguiite (boudouma) ummaa (kanuri) legole (fulfulde)
Les communautés sont multiples autour du lac Tchad. Si certaines sont ancestrales, comme les peuples du Kanem (Ngizim, Koyam, Yédinas, etc.) ou du Bornou (Sao, Babur, Baldabu, etc.), d’autres sont issues des vagues d’immigration successives depuis les années 1950 et viennent de l’arrière-pays ou de plus loin encore. En effet, les migrations des communautés sur le lac ont commencé dans les années 50 et se sont accentuées dans les années 70 et 80 suite à la sécheresse et le passage du lac à son niveau petit, dévoilant des zones à forts potentiels agricoles, halieutiques et pastoraux. Ainsi, le lac Tchad est devenu l’un des milieux en Afrique où il y a le plus de diversités communautaires. A titre d’exemple, l’Institut de Recherche pour le Développement nous apprend qu’en 2005, près de 70 appartenances ethniques revendiquées étaient recensées du l’île de Kofya (embouchure du Chari).
Ces communautés du lac contribuent à sa diversité et sa force et sont une source principale de ses opportunités. Les communautés locales sont au coeur du projet BIOPALT. Celui-ci s'attache à les impliquer dans la mise en oeuvre de toutes ses activités et met un point d'honneur à restituer le fruit de cette collaboration.
Participation (concertation)
Concertation: chôri (kanembou) yadjabakali yalhoubori (boudouma) chukumoi duto (kanuri) sarwago (fulfulde)
La concertation est primordiale dans la gestion et la conservation d’un site transfrontalier aussi vaste que le lac Tchad. Le projet BIOPALT y accorde une grande priorité. Son mot d’ordre étant « rien pour les communautés sans les communautés », aucune de ses activités n’a été définie en l’absence de celles-ci et de l’ensemble des parties prenantes. Le projet a démarré par un large travail de concertation tant aux niveaux local, national et régional afin d’en avoir une compréhension commune et une réelle appropriation, de définir et convenir ensemble des contenus des activités, de s’accorder sur les zones prioritaires d’intervention ainsi que des rôles et des responsabilités de chacun. Ces rencontres ont mobilisé plus de 300 personnes (communautés locales et autochtones, élus, décideurs, techniciens, scientifiques, société civile,) dans une approche participative et inclusive. Elles ont constitué des moments forts et une grande spécificité du projet. Elles ont permis de construire une vision commune et nouvelle de coopération transfrontalière sur les réserves de biosphère et le site du patrimoine mondial dans la région du lac
Partage (formation)
Formation: ndilo (kanembou) kainidi (boudouma) nzukuro (kanuri) ekitindgo (fulfulde)
Le projet BIOPALT porte une attention particulière à la formation et au renforcement de capacités dans les pays du bassin du lac Tchad sur les réserves de biosphère, les sites du patrimoine mondial et sur la gestion pacifique des ressources naturelles ainsi que la promotion d’activités génératrices de revenus à base d’économies vertes. Plus de 150 formateurs ont été formés dans ces différents domaines et auront vocation à former plusieurs milliers de personnes. Ces formations et partages d’expérience posent les fondements de la durabilité des acquis du projet. Elles offrent par ailleurs l’occasion de créer un réseau local d’experts professionnels sensibilisés et formés sur les problématiques multidimensionnelles du lac Tchad.