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Peng Liyuan : L'égalité des chances est fondamentale

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Peng Liyuan
© UNESCO/Fabrice Gentile
La Chine accorde une attention prioritaire à l’éducation pour tous, que ce soit dans le cadre de sa politique nationale ou de son aide internationale au développement. Garantir l’égalité des genres en matière d’accès et de traitement à l’école, dans la poursuite des études et l’insertion professionnelle est au cœur des convictions portées par Madame Peng Liyuan, Première Dame de la République populaire de Chine, Envoyée spéciale de l’UNESCO pour la promotion de l’éducation des filles et des femmes et professeure elle-même.

Interview avec Peng Liyuan par Jasmina Šopova   

Madame la professeure, votre engagement en faveur de l’égalité des genres dans le domaine de l’éducation est aujourd’hui largement reconnu. Depuis quand travaillez-vous dans ce domaine et quelle a été votre motivation personnelle pour vous engager dans cette voie ?

Mon engagement dans l’éducation est étroitement lié à mon père. Au milieu du XXe siècle, l’éducation dans les régions rurales en Chine était très en retard, et beaucoup de gens, surtout des femmes, ne savaient pas lire. Mon père, principal de l’école de nuit de notre petit village, et chargé de l'alphabétisation, travaillait avec zèle. Grâce à lui, beaucoup de gens ont appris à écrire au moins leur nom et à lire des journaux et des livres. Les mères de famille, après leurs études, enseignaient à leurs enfants les mots qu’elles venaient d’apprendre. J’ai été très influencée par mon père lorsque j’étais petite. Depuis que je suis devenue moi-même enseignante et mère, je comprends encore mieux son engagement.

L’inégalité des genres demeure un problème enraciné un peu partout dans le monde. Dans beaucoup d’endroits, les femmes constituent toujours des groupes vulnérables : elles représentent, à échelle mondiale, 70 % de la population pauvre et près de deux tiers des adultes analphabètes. Parmi les enfants déscolarisés dans le monde, plus de la moitié sont des filles. Souvent incapables d’avoir la maîtrise de leur vie, les femmes connaissent toutes sortes de vicissitudes. Elles aspirent, plus que tout autre, à l’égalité et au respect. C’est pourquoi je voudrais faire quelque chose pour l’éducation des filles et des femmes.

En tant qu’Envoyée spéciale de l’UNESCO pour la promotion de l’éducation des filles et des femmes, quelle est votre priorité ? Et à votre avis, quels sont les changements les plus importants dont nous avons besoin dans le domaine de l’éducation pour assurer aux filles et aux garçons les mêmes chances de s'épanouir ?

L’éducation des filles et des femmes est une cause noble, de première importance. Au moment où j’ai reçu des mains de la Directrice générale Mme Irina Bokova, en mars 2014, au siège de l’UNESCO, la lettre de nomination me désignant Envoyée spéciale pour la promotion de l’éducation des filles et des femmes, j'ai pris la mesure non seulement du grand honneur qui m’était fait, mais aussi de la lourde responsabilité qui allait peser sur mes épaules. Offrir aux femmes les mêmes opportunités de développement qu’aux hommes, c’est une condition importante pour promouvoir le progrès social, l’égalité des genres et le développement durable de l’humanité. À ce titre, l’éducation joue un rôle crucial.

L’égalité en éducation suppose l’égalité des chances, l’égalité de traitement et l’égalité des résultats. Nous avons pour objectif de garantir l’égalité des genres en matière d’accès et de traitement à l’école, dans la poursuite des études, et lors de l’insertion professionnelle et de la reconnaissance sociale. Je ferai tout mon possible pour contribuer à la réalisation de cet objectif.

Pourriez-vous nous donner quelques exemples de ce que vous avez fait en votre qualité d’Envoyée spéciale de l'UNESCO ? Vous visitez souvent des écoles lors de vos déplacements. Quel message souhaiteriez-vous envoyer aux élèves et aux enseignants ?

Depuis ma nomination il y a plus de deux ans, j’ai visité beaucoup d’écoles, d’établissements de jeunes et d’adolescents, et d’organismes pour le développement des femmes dans des pays africains et asiatiques, pour mieux comprendre la situation sur le terrain, m’inspirer de leurs sagesse et force, et partager des expériences avec eux. Lors des événements consacrés à ce sujet, je lance souvent un appel à la prise de conscience du rôle essentiel des enseignantes et de l’importance de la promotion de l’éducation des filles et des femmes. Par exemple, lors de la réunion de haut niveau de l’Initiative mondiale pour l’éducation avant tout, organisée au siège de l’ONU à New York, j’ai appelé les pays du monde à accorder une plus grande importance à la promotion d’une éducation équitable et de meilleure qualité.

En Chine, nous avons le programme Chunlei, qui est un programme d’aide à la scolarisation des filles de familles défavorisées. Depuis son lancement en 1989, le programme a aidé 3,42 millions de filles, financé la construction de 1 489 écoles Chunlei, fourni à 523 000 filles, qui ont atteint l’âge requis, une formation professionnelle adaptée, rédigé et distribué 1,5 million de brochures sur la protection des filles. En tant qu’Envoyée spéciale pour la promotion de l'éducation des filles du programme Chunlei, j’ai visité une colonie de vacances d’été où j’ai été très touchée par les différents talents et la joie de vivre manifestés par les filles déscolarisées qui ont repris le chemin de l’école.

Le message que je souhaiterais faire passer est que l’égalité des chances dans l’accès à l’éducation est fondamentale pour permettre aux hommes et aux femmes de réaliser leur plein épanouissement et de vivre une vie qui a du sens, et qu’elle est aussi décisive pour le développement durable de l’humanité. J’ai la conviction que chaque fille et chaque femme, tant qu’elles ont des rêves et le courage et la persévérance de les réaliser, pourront avoir une vie réussie.

Le premier Prix UNESCO pour l’éducation des filles et des femmes, financé par le gouvernement chinois, a été décerné en 2016 à Beijing par vous-même et la Directrice générale de l’UNESCO. Quelles sont vos impressions sur les premières lauréates ? Et quelle est l’importance de ce Prix à l’échelle mondiale ?

Initié et financé par le gouvernement chinois, le Prix UNESCO pour l’éducation des filles et des femmes est la première et unique distinction de l’Organisation dans ce domaine. Il récompense les contributions exceptionnelles d’individus et d’organisations en faveur de l’éducation des filles et des femmes, et encourage davantage de personnes à s’engager pour cette cause. En 2016, lors de la cérémonie de remise du premier Prix à Beijing, j’ai rencontré les lauréates, venues d’Indonésie et du Zimbabwe. Les lauréates et les organisations qu’elles représentent ont fait une contribution importante et concrète à la promotion de l’éducation des filles et des femmes, et forcent notre admiration. Elles, et bien d’autres personnes, tout aussi désintéressées et assidues qu’elles, sont source de réconfort pour notre monde. Je tiens donc à leur rendre un vibrant hommage et à les remercier sincèrement.

Que signifie pour vous être professeur ?

La Chine a une longue tradition du respect pour les professeurs et de l’attachement à l’éducation. Selon Han Yu, grand lettré chinois de la dynastie des Tang, enseigner, c’est « cultiver la moralité, transmettre les savoirs et dissiper les doutes ». Pour les élèves, un bon professeur doit être un mentor dans la vie qui, non seulement transmet des connaissances et inspire la sagesse, mais aussi éclaire la pensée et suscite la passion, alors que pour la société, il doit être un semeur qui sème des graines de bienveillance, de justice et de paix dans le cœur des élèves. Pour moi, un bon professeur doit être toujours diligent, motivé et dynamique pour l’innovation et l’autoperfectionnement. Il doit aussi être apte à éduquer les élèves par la culture et la beauté pour les aider à construire une personnalité saine et équilibrée avec la force de l’art. Un bon professeur doit également faire preuve de respect, de tolérance et de compréhension en parole et en acte pour inspirer la bonté, la tolérance et l’inclusion chez les élèves, afin qu’à l’âge adulte, ils puissent servir au mieux la société.

La Chine a accompli des actions remarquables en faveur de la promotion de l’éducation. À votre avis, quels sont les volets les plus importants de la politique éducative en Chine ?

En Chine, promouvoir l’égalité des chances pour tous est au cœur de la politique nationale en matière d’éducation. La Chine garantit le droit à l’éducation des filles et des femmes par de multiples moyens tels que l’élaboration des lois et des politiques, l’aide financière aux élèves démunis et la fourniture de repas de bonne qualité nutritionnelle. Dans le cadre du Plan d'action de l’Éducation pour tous de la Chine (2001-2015), la Chine effectue un contrôle annuel de la situation en la matière auprès des collectivités représentatives. Par la publication quinquennale du Plan du développement des femmes de la Chine et du Plan du développement des enfants de la Chine, le pays s’est fixé l’objectif de réaliser les droits égaux des femmes dans les domaines sanitaire, éducatif et économique d’ici à 2020 et en a précisé les mesures. Il exige le respect total du principe de l’égalité des genres dans l’éducation, garantit le droit à un accès équitable à l’éducation aux filles et aux femmes, et voit leur niveau d’éducation augmenter constamment. À l’heure actuelle, la Chine a réalisé l’objectif de l’égalité des genres dans l’éducation, l’un des OMD, et la capacité des femmes chinoises a été nettement renforcée pour prendre en main leur destin et participer au développement.

Dans le même temps, la Chine travaille activement à élargir la coopération et l’aide internationales dans le domaine de l’éducation. En 2015, le président chinois Xi Jinping a annoncé, lors du Sommet mondial des femmes, un don de dix millions de dollars des Etats-Unis à l’appui de la mise en œuvre de la Déclaration de Beijing et du Programme d’action de Beijing, ainsi que des objectifs concernés du Programme de développement durable à l’horizon 2030. À travers différents moyens, y compris la création des fonds et des prix à l’UNESCO, la Chine soutient les efforts des autres pays en développement dans la lutte contre l’analphabétisme, la formation des enseignants et la promotion de l’éducation des filles et des femmes.

Je m’acquitterai de toutes mes responsabilités en tant qu’Envoyée spéciale de l’UNESCO et je ne ménagerai aucun effort pour soutenir l’Organisation dans la promotion de l’éducation des filles et des femmes.

 
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