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Grand angle

Chine : un laboratoire mobile pour explorer les fonds marins

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Lancement du navire de recherche océanographique RV Zhong Shan Da Xue en août 2020.

Le RV Zhong Shan Da Xue est un gigantesque laboratoire high-tech flottant destiné à l’exploration des profondeurs marines. L’une des premières missions de ce géant des mers consistera à étudier une carcasse de baleine récemment découverte.

Yu Weidong
Professeur au département des sciences atmosphériques de l'Université Sun Yat-sen à Guangzhou (Chine), spécialisé dans l'étude des interactions océan-atmosphère, de la mousson et de la variété climatique.

Le 18 mars 2020, les scientifiques embarqués sur le navire océanographique RV (pour research vessel) Tansuo-1 ont fait une découverte extraordinaire : en mer de Chine méridionale, à 1 600 mètres de profondeur, l’équipe, codirigée par Wei Xie, professeur associé à la faculté des sciences marines de l’Université Sun Yat-sen (SYSU), a trouvé un squelette de baleine.

Lorsque meurt un de ces grands cétacés, sa carcasse se dépose au fond de l’océan, donnant naissance à un écosystème d’eaux profondes localisé et complexe. Cette soudaine source concentrée de nourriture crée une véritable oasis de vie dans les grands fonds, apportant des moyens de subsistance aux organismes des profondeurs pendant des années, sinon des décennies.

Selon Wei, on recense actuellement moins d’une cinquantaine de gisements naturels de ce type à travers le monde, et c’est le premier à être repéré dans cette zone. Des poissons continuaient de dépecer la queue de cette carcasse longue d’environ 3,4 mètres, indiquant une mort récente, ce qui lui confère, souligne le scientifique, un « intérêt pour l’observation à long terme ».

Cette découverte est cruciale, car elle peut promouvoir les recherches sur la façon dont les écosystèmes marins entretiennent la vie dans les profondeurs obscures de l'océan, encore largement inexploré. Comprendre le processus d’évolution de cette carcasse et des écosystèmes environnants peut contribuer aux efforts de conservation et d’exploitation des ressources de la biodiversité dans les grands fonds marins. Et l’exploration du plancher océanique peut aussi nous éclairer sur les meilleurs moyens d’affronter le changement climatique.

L’exploration du plancher océanique peut nous éclairer sur les meilleurs moyens d’affronter le changement climatique

Laboratoire sur mer

Le suivi à long terme de ce site sera l’une des missions du RV Zhong Shan Da Xue. Lancé le 28 août 2020 par la SYSU, qui lui donne son nom, le navire océanographique fait partie des investissements d’infrastructure de l’université, qui souhaite depuis 2015 promouvoir son pôle d’océanographie.

Ce navire de recherche, le plus grand de Chine et le deuxième dans le monde après le RV Mirai de l’Agence japonaise pour les sciences et technologies marines et terrestres (JAMSTEC), mesure 114,3 m de long et 19,4 m de large, pour un tonnage total de 6 800 tonnes. Doté d’une autonomie de 15 000 milles nautiques, il peut embarquer une centaine de personnes ‒ 24 membres d’équipage et 74 chercheurs ‒ pour des expéditions de 60 jours.

En plus d’un laboratoire fixe, le pont arrière peut accueillir dix laboratoires mobiles. Le matériel de recherche sophistiqué permet aux scientifiques de traiter, tester et analyser les échantillons directement à bord du navire. Ils peuvent aussi assurer l’analyse des paramètres de l’eau à différentes profondeurs, et l’échantillonnage géologique et géophysique des fonds marins.

Le navire est équipé de véhicules sous-marins téléguidés, engins non habités hautement manœuvrables qui sont contrôlés à distance depuis le navire. Un tel véhicule peut rester sous l’eau bien plus longtemps qu’un plongeur ou tout type de submersible habité, ce qui facilite les expérimentations détaillées et la collecte d’échantillons sur les sols océaniques.

Le RV Zhong Shan Da Xue est le premier navire chinois doté d’un radar météorologique de dernière génération, un outil puissant permettant d’étudier les fortes convections et les pluies intenses au-dessus de l’océan, et d’obtenir des données pour comprendre et prévoir les phénomènes météorologiques extrêmes. Il dispose également d’une plateforme d’atterrissage pour hélicoptères et drones, ce qui augmente sa capacité logistique.

Sonder les abysses

Opérationnel en 2021, il offrira un complément aux observations satellites, qui ont une couverture spatiale étendue, mais n’ont pas la pénétration verticale nécessaire au sondage des profondeurs marines.

La mer de Chine méridionale a son propre système de mousson régional, et c’est l’un des systèmes climatiques les plus complexes et les moins compris du globe. Elle joue par ailleurs un rôle clé dans l’échange des eaux entre le Pacifique – par le détroit de Luzon – et l’océan Indien, par le biais du throughflow indonésien, un courant océanique qui influence le climat mondial. Cela fait de cette zone un haut lieu de diversité biologique et écologique, parmi les plus riches au monde.

Jusqu’à présent, la recherche océanographique s’est surtout cantonnée aux zones côtières en raison d’un manque de moyens scientifiques, empêchant les pays riverains de développer des capacités de gestion durable de l'océan. Le navire de recherche offrira de nouvelles possibilités d’exploration des grands fonds marins méconnus de cette zone.

Une des principales fonctions du navire est la recherche et la formation, une part importante de son temps de navigation étant consacrée à la formation en haute mer, sur la base des programmes universitaires de la SYSU.

Une part importante du temps de navigation du navire sera consacrée à la formation en haute mer

Une salle de classe flottante

Ces cinq dernières années, les étudiants de deuxième et troisième cycles de l’université ont participé à six stages de formation en mer, dont un séjour d’un mois à bord du RV Shen Kuo, un navire affrété par la SYSU en 2019. Leur étude a porté sur les interactions air-mer pendant la mousson dans la partie nord du plateau continental de la MCM, sur la base d’observations de la couche limite atmosphérique utilisant des mesures par GPS et des drones.

Ces programmes devraient prendre un nouvel essor dès la mise en service de la salle de classe flottante. Ils seront également ouverts aux étudiants des pays riverains.

Dans les dix années à venir, l’université entend proposer sur son nouveau navire de recherche différentes campagnes axées sur l’expérimentation de la mousson en MCM, l’étude de la vie et de l’écosystème des grands fonds marins. Elle espère ainsi remédier rapidement au manque de données sur cette mer.

Le laboratoire mobile aidera les pays de la région à compléter et élargir leur champ de recherche des zones littorales et côtières vers le grand large et les profondeurs abyssales, améliorant ainsi leur compréhension de l'océan. Le navire soutiendra les efforts régionaux de lutte contre des effets du changement climatique comme les vagues de chaleur marine, l’acidification et la désoxygénation de l'océan, les phénomènes météorologiques extrêmes et les catastrophes climatiques.

Une grande partie de son temps de navigation sera consacrée à la coopération régionale, dans le cadre, notamment, de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), avec l’ambition d’inspirer, à terme, les jeunes océanographes.

Lectures complémentaires :

Comprendre les océans, Le Courrier de l’UNESCO, avril-juin 2017
De la mémoire des poissons… aux trésors des ancêtres, Le Courrier de l’UNESCO, juillet-août 1998
L’Océan observé par satellite: la technologie spatiale au service des sciences marines, Le Courrier de l’UNESCO, février 1986

 

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