Construire la paix dans l’esprit
des hommes et des femmes

Editorial

Éditorial

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Dans le territoire autochtone de Sawré Muybu, au nord du Brésil, le peuple Munduruku assure la conservation de 178 000 hectares de forêt amazonienne.

Année après année, les études scientifiques semblent condamnées à écrire la chronique de la sixième extinction de masse : dépérissement du vivant, disparition des espèces, surexploitation des ressources, dégradation des milieux naturels. Les écosystèmes, qui fournissent des services indispensables à notre existence, déclinent à un rythme inédit, sur fond de crise climatique.

Il n’est pourtant pas trop tard pour (ré)agir. Menées sur le long terme, les mesures de conservation parviennent à enrayer le déclin de certaines espèces menacées. Les aires protégées, qui représentent aujourd’hui 17 % de la surface terrestre, constituent un frein à l’empiétement urbain et agricole. L’objectif est d’atteindre 30 % d’ici 2030. Mais c’est bien 100 % de l’humanité qu’il faut aujourd’hui réconcilier avec le vivant.

Fondées sur une coexistence plus harmonieuse avec la nature, les connaissances des populations autochtones – avec leur dimension mythologique et cosmologique – peuvent inspirer des pratiques plus respectueuses de la biodiversité. Car si le partage des données scientifiques est essentiel, si des actions politiques d’ampleur s’imposent, le changement passe aussi, peut-être d’abord, par une prise de conscience des liens profonds, multiples, qui nous unissent à une nature trop longtemps présentée comme l’antithèse de la culture.

Il est temps aujourd’hui de questionner la conception utilitariste héritée de Descartes qui présente l’humain « comme maître et possesseur de la nature ». « La diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire qu’est la biodiversité dans l’ordre du vivant », proclame la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle. L’Organisation s’emploie depuis sa création à favoriser la réconciliation de l’humain avec son environnement, à travers ses actions en faveur du patrimoine mondial ou son programme sur l’homme et la biosphère, qui célèbre cette année ses 50 ans.

Réenchanter la nature, renouer avec elle, s’ouvrir à d’autres manières d’être vivant, s’émerveiller : ce numéro du Courrier est une invitation à prendre conscience. C’est un appel à se réinscrire pleinement dans notre environnement, à nous reconnaître comme vivants parmi les vivants. C’est un effort pour démentir la maxime énoncée par le paléoanthropologue français Pascal Picq : « L’homme n’est pas le seul animal qui pense, mais c’est le seul animal qui pense qu’il n’est pas un animal. »

Agnès Bardon