Directeur du Musée national de Corée, à Séoul, Ch'oe Sun-u est l'un des auteurs de Korea, its Land, People and Cultures of all Ages (Corée, pays, peuple et cultures de tous les âges), Séoul, 1963.

Lorsque Solgo peignait un pin, son arbre semblait si vrai que les oiseaux venaient voler jusque chez lui pour loger dans ses branches. Solgo était un peintre coréen de la deuxième moitié du 6e siècle.
par Ch'oe Sun-u
Tout au long de son histoire, la peinture coréenne a subi une forte influence de la peinture chinoise, due autant à la proximité géographique qu'à des liens culturels tenaces entre les deux pays. Parce qu'une simple imitation cependant, ne pouvait suffire aux artistes coréens, ceux-ci ont développé un art unique et original susceptible d'harmoniser les influences venues de la Chine avec leur propre génie créateur.
Les premières traces de l'art coréen, on les trouve dans des tombes : leurs murs peints constituent un caractère remarquable de la civilisation de l'ancien royaume de Koguryo (37 av. J.-C. - 668 ap. J.-C). Là se sont rejoints des influences venues de la Chine et du nord de l'Asie, apportées par des tribus proches de la frontière, comme les Hun : d'une manière générale, aussi bien la conception que le style de ces déco¬ rations sont inspirés de la peinture chinoise de l'époque des Han (206 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.) et des Six dynasties (280-589).
Sous la dynastie Paekche (18 av. J.-C660 ap. J.-C.) s'est développée une tradition analogue. On en trouve des exemples parfaits avec les peintures murales de la tombe en pierre de Nungsan-ni à Puyo : leurs dessins de fleurs, de nuages et les personnages des quatre divinités sont exécutés dans un style raffiné ; dans la tombe du roi Muryong, découverte à Kongju en 1971, les fleurs de lotus sont traitées avec délicatesse et l'on trouve en couleur le Phénix rouge et d'autres divinités animales ; sur un mur en briques, une peinture qui date de la première moitié du 7e siècle montre à quelle maîtrise du paysage les artistes ont atteint sous cette dynastie.
Silla (57 av. J.-C.-668 ap. J.-C.) a été et de loin, pour ce qui est de la peinture, le plus conservateur des trois royaumes. Jusqu'en 1950, on ne connaissait pas la moindre de cette période, mais les fouilles effectuées depuis ont donné lieu à des découvertes importantes, en particulier une peinture sur écorce de bouleau trouvée en 1973 à Kyongju dans la tombe 155. Il s'agit d'une sorte de peinture à l'huile : il semble que la surface des objets artisanaux en écorce de bouleau était d'abord dessinée avec une certaine aisance de trait ; on appliquait ensuite la couleur.
Le Samguk Sagi (annales historiques des Trois Royaumes) rapporte une anecdote intéressante au sujet d'un peintre nommé Solgo, dont l'activité artistique va du milieu du 6e siècle au début du 7e : « Lorsque Solgo peignait un pin, son arbre semblait si vrai que les oiseaux venaient voler jusque chez lui pour loger dans ses branches. Avec le temps, les couleurs du tableau se sont mises à passer. Un vieux prêtre les a retouchées. Mais les oiseaux ne s'y sont plus trompés ». Bien qu'on ne connaisse de la peinture de Silla que les œuvres qui décoraient les tombes, le témoignage des auteurs contemporains permet de conclure que cette période a produit des œuvres de qualité exceptionnelle.
Soys la dynastie Koryo (918-1392), les artistes étaient constitués en deux groupes : celui des professionnels de la peinture et celui des érudits et des lettrés qui en faisaient un passe-temps. Parmi les professionnels, Ni Nyong mérite une mention particulière. Paysagiste, deux de ses œuvres ‒ une du fleuve Yesong et l'autre du Pavillon Chonsuwon ‒ lui ont valu les éloges de l'Empereur de Chine Huitsung, de la dynastie Sung, qui était en même temps un artiste consommé. Parmi les peintres lettrés on peut citer Chong Chi-Sang, renommé pour ses paysages et ses fleurs ; et encore Haeae et Hyeho, deux moines bouddhistes réputés pour leurs peintures religieuses et des nuvres à l'encre de Chine sur bambou ; enfin King Kongmin, peintre magnifique par ses paysages, ses fleurs, ses oiseaux et aussi ses portraits.
La division des peintres en deux groupes subsiste sous la dynastie Yi (1392-1910) et même, elle s'intensifie. Les professionnels concentraient leur activité autour d'un Bureau de la peinture, la To-hwaso, dépendant du gouvernement. Il avait été créé à l'époque Koryo, mais complètement réorganisé sous les Yi.
Chez les peintres professionnels, à l'aube de cette période, resplendissent An Kyon et Yi Sang-jwa, tous deux paysagistes. Chez les lettrés, c'est Kang Hui-an. Tous les trois peignaient selon les règles de la vieille académie Sung ; ils témoignent du goût conservateur qui prévalait à la cour et dans les rangs de la noblesse. Cette tendance conservatrice se manifeste avec éclat dans l'immense collection du prince Anpyong, gouverneur jeune, au goût raffiné, et versé dans les arts.
Vers le milieu du 16e siècle, un groupe de peintres, parmi lesquels il faut signaler Kim Ché, Yi Pul-Hae et Yi Kyong-Yun, introduisirent dans l'art coréen le style de « l'école du nord ». D'inspiration chinoise, son influence se poursuivra jusqu'à la fin du 17e siècle, et comptera parmi ses adeptes des peintres de l'envergure de Yi Chong (1578- 1607) et de Yun Tu-so (1668-?).
Au 18e siècle, parmi les artistes notoires, il faut citer Chong-son, un paysagiste, créateur du style de « l'école du sud ». Par là, cet audacieux défiait « l'école du nord » et ses conventions jusqu'à introduire dans la peinture des scènes de la vie quotidienne en Corée. On peut dire que cette innovation a provoque l'éveil d'une nouvelle conscience nationale devant provoquer plus tard la naissance du Silhak, une école d'apprentissage pratique par opposition à la spéculation philosophique et aussi l'apparition d'une littérature populaire écrite en Hangul, et d'une peinture de murs dont le thème est donné par la vie quotidienne.