
Les Langues, ça compte
« Le premier instrument du génie d’un peuple est sa langue », estimait l’écrivain français Stendhal. Alphabétisation, connaissances, intégration sociale… tout passe par la langue, qui incarne l’identité nationale, culturelle, parfois religieuse, des individus. Elle constitue une dimension fondamentale de l’être humain. Pourtant, les spécialistes estiment que dans quelques générations, plus de la moitié des 7000 langues parlées dans le monde risquent d’avoir disparu, faute d’être présentes dans l’administration, l’éducation et les médias. C’est la raison pour laquelle les Nations Unies ont déclaré 2008 Année internationale des langues, lancée par l’UNESCO le 21 février, Journée internationale de la langue maternelle.
Préoccupation essentielle des écrivains Boubacar Boris Diop et Jean Portante qui « migrent » d’une langue à une autre, dans le bonheur mais aussi dans la souffrance, la langue est aussi « un visa » pour les immigrés qui doivent s’adapter à la vie d’une nouvelle société, comme l’explique la psycholinguiste francoserbe Ranka Bijeljac-Babic. La romancière afghane Spôjmaï Zariâb complète ses propos : « Une séparation brutale du contexte linguistique et culturel évoque en mon esprit l’image d’un arbre coupé un beau jour pour être planté dans une autre terre », dit-elle.
La sauvegarde des savoirs et savoir-faire est aussi intrinsèquement liée aux langues locales et autochtones. Tels le machaj juyai, « langue secrète » des médecins herboristes boliviens, les Kallawaya, dont l’histoire nous est dévoilée par Carmen Beatriz Loza, chercheuse à l’Institut bolivien de médecine traditionnelle à La Paz, ou la langue du peuple Ainu, au Japon, dont l’agonie nous est racontée par Kaori Tahara, historienne d’origine ainu.
Il y a les langues qui meurent, mais il y a aussi les langues qui émergent. Souvent séculaires, elles commencent à peine à occuper la scène publique, comme celles de l’ancienne Union soviétique, par exemple. Notre collègue Katia Markelova a choisi de vous parler du kirghiz.
Enfin, l’éducation est un facteur crucial pour la sauvegarde ou le développement d’une langue : le linguiste indien Appasamy Murugaiyan plonge dans la relation langue–école qui est d’une rare complexité en Inde, pays abritant 1650 langues et plus d’un million d’établissements scolaires.
Cette année, le Courrier de l’UNESCO fête son 60e anniversaire et apporte à ses lecteurs des nouveautés avec les rubriques « Éclairage », qui annonce dans ce numéro l’Année internationale de la planète Terre (lancée à l’UNESCO le 12 février) et « Hommage », où vous trouverez des portraits de personnalités qui ont marqué l’histoire des lettres, des sciences et des arts à travers le monde.
Autre grande nouvelle, en cette Année internationale des langues : le portugais s’ajoute aux six éditions linguistiques du Courrier, disponible bientôt en ligne.
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Jasmina Šopova, Rédactrice en chef