
700 millions d'illettrés dans le monde : deux adultes sur cinq
Depuis sa création, l'UNESCO s'est préoccupée du problème de l'analphabétisme dans le monde et des mesures prises pour son élimination. Au cours de ses dix années d'existence, une part importante de ses efforts ont été consacrés à promouvoir l'éducation de base, particulièrement dans les régions du monde défavorisées du point de vue de l'éducation.
Il existe certains cyniques qui trouvent que l'on consacre trop de temps à l'alphabétisation. Ils voudraient nous faire croire que les habitants illettrés de contrées exotiques et lointaines devraient conserver leur mode de vie traditionnel, à l'écart de l'agitation trépidante des sociétés techniquement avancées. Pourquoi dépenser autant de temps et d'argent pour les habitants illettrés des bas quartiers, des campagnes, s'ils paraissent satisfaits de leur sort ? Même s'il est vrai que certaines communautés illettrées et isolées sont, ou ont été, relativement prospères et heureuses, il n'existe guère de région dans le monde d'aujourd'hui où une société arriérée ou demeurée au stade prétechnique puisse échapper à la désagrégation sous l'influence de la technique moderne.
Il est maintenant démontré que l'analphabétisme va de pair avec la sous-alimentation, les maladies endémiques, la misère, l'asservissement à un labeur ingrat et la démoralisation. Cela ne signifie pas que l'analphabétisme soit « la cause » de ces maux et qu'il suffirait d'enseigner à chacun à lire et à écrire pour les voir disparaître automatiquement. Mais il est incontestable que le développement social et économique de ces régions exige l'assimilation de techniques modernes de production, de distribution, d'assistance médicale et sociale, etc., et que l'assimilation de ces techniques exige à son tour un effort d'éducation ; et qu'enfin à la base de cette éducation il y a l'alphabétisation.
La corrélation entre les progrès de l'alphabétisme et les transformations de la technique se retrouve dans l'histoire des pays techniquement avancés. En Europe et en Amérique du Nord, la diffusion de l'instruction a accompagné les progrès de l'industrialisation dès les débuts de la révolution industrielle. Mais c'est seulement dans la deuxième moitié du XIXe siècle, ou même plus tard, que les masses sont devenues instruites. L'introduction de l'enseignement gratuit et obligatoire a été et demeure la cause de la régression de l'analphabétisme. Dans certains pays, l'extension de l'alphabétisation des masses a précédé l'essor rapide de l'industrie ; dans d'autres, elle l'a suivi, mais les deux phénomènes ont toujours été étroitement liés. Toutefois, ce serait une erreur de considérer l'alphabétisation comme une simple fonction de l'industrialisation. L'alphabétisation et l'industrialisation sont toutes deux des moyens, non des fins. Elles sont, ou devraient être, les moyens d'assurer une vie meilleure. L'homme doit s'instruire non seulement pour améliorer son sort matériel mais aussi pour participer intelligemment et activement à l'organisation et au gouvernement de la communauté, en un mot vivre une existence pleinement humaine.
Aussi longtemps que les deux cinquièmes de la population du monde ne sauront ni lire ni écrire et ne pourront pas participer à la vie culturelle de l'humanité, la question de l'analphabétisme mondial demeurera un souci pour tous.