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Quand l’Afrique s’en mêle

Camerounais d'origine, Parisien d'adoption, Manu Dibango est l'un des premiers à réussir la fusionentre la musique traditionnelle africaine et le jazz. Sensible aux multiples sollicitations de la musique,il refuse les étiquettes qu'on lui accole – celle de Noir américain en France, d'Européen en Afrique etd'Africain aux Etats-Unis. Il se réclame simplement de la « race des musiciens »

Entretien avec Manu Dibango par Isabelle Leymarie

 

Quels sont tes premiers souvenirs ?

Je suis né à Douala, au Cameroun. Mon père et ma mère étaient protestants. Tout gamin, ils m'ont inscrit à l'école du village où j'ai d'abord appris le douala, l'une des langues fondamentales de mon pays. Une fois mes classes terminées, je me rendais au temple. Ma mère y dirigeait la chorale des femmes et le pasteur nous commentait l'Ancien et le Nouveau Testament traduits en douala. C'est là que j'ai été touché par le virus magique de la musique.

Est-ce qu'on écoutait aussi de la musique à la maison ?

Mon père était fonctionnaire, situation rare et valorisante. A l'époque, il n'y avait pas de radio. Mais nous avions la chance d'avoir un gramophone. Je m'en servais en douce pendant l'absence de mes parents. Par ailleurs, ma mère était couturière et recevait des apprenties à la maison. Nous chantions toute la journée. Je faisais le chef d'orchestre. Ce que j'appréciais avant tout, c'était de marier les voix, d'en faire un instrument humain qui sonne juste et fort. J'ai fini par m'approprier les mélodies que j'apprenais. A telle enseigne que, lorsque j'ai entendu plus tard, en France, le Cantique de Bach que j'avais appris au temple, il m'a d'abord semblé qu'il s'agissait d'une musique de chez moi, d'un air du pays...

En ville, quelle musique entendais-tu ?

Après la colonisation allemande, le Cameroun est devenu un protectorat français. Avec l'arrivée de la marine française au port de Douala, des musiques occidentales modernes ont fait irruption. Des artistes africains jouaient dans les bars et les hôtels où les Blancs descendaient. Quand les Africains revenaient au quartier, ils nous apprenaient les airs à la mode. Enfin, approximativement... Nous, les gosses, nous transformions à notre tour cet « à peu près ». D'un autre côté, il y avait la musique d'initiation, avec des tambours ou des instruments en bois, comme les tam-tams. Enfin, aux noces ou aux funérailles, nous entendions jouer des guitaristes traditionnels.

Mais la guitare n'est pas un instrument africain...

Oui et non. La guitare est arrivée au Cameroun avec les Portugais, au 14e siècle. C'est une longue histoire. A la guitare on joue chez nous l'assico, une musique pour la danse qu'on retrouve aussi au Nigeria. Son rythme est binaire et non ternaire comme le jazz. Le guitariste de chez nous réalisait ce tour de force d'avoir un jeu à la fois mélodique, harmonique et percussif.

Il y avait aussi une autre forme de musique populaire : l'Ambass B, abréviation d'« Ambassade de Belgique », un dérivé de l'assico, plus marqué par les influences occidentales. Cette musique avait sa source chez les Africains qui travaillaient pour les Blancs. En quelques années elle est devenue une musique populaire. On y reconnaît tout de suite une harmonie qui vient de l'Occident avec un rythme typiquement camerounais.

Quand tu entendais au Cameroun la musique occidentale, avais-tu le sentiment d'entendre une musique étrangère ?

Gamin, je ne faisais pas la différence. Nous incorporions, en les marquant de notre empreinte, les chansons apprises auprès des marins. Poussés par la curiosité, nous absorbions toutes les formes de musique. Sans chercher à savoir ce qui, en chacune, relevait du Noir ou appartenait au Blanc...

Et les instruments ?

Mon instituteur africain jouait du violon et du piano. Les Camerounais ont vite adopté les instruments de musique introduits par les Occidentaux. Il y a même des Camerounais qui jouaient du quatuor à cordes... Ces instruments, je les retrouvais au temple, ou à la maison. Ils faisaient partie de ma vie.

Comment es-tu devenu musicien ?

Mon grand frère avait une guitare. Je n'avais pas le droit d'y toucher, évidemment – c'est pour ça que j'en jouais ! J'ai eu aussi un harmonica, acheté par mon père. Je tâtonnais. C'est seulement quand je suis arrivé en France, à quinze ans, que mon père m'a payé des leçons de piano. J'ai vite su que j'étais musicien parce que j'aimais la musique. Mais je ne songeais pas du tout alors à en faire un métier.

Que venais-tu faire en France ?

Poursuivre des études pour obtenir un diplôme. C'était l'usage, à l'époque, pour certains enfants. Parallèlement à mes études, je prenais des leçons de piano. J'aurais voulu faire du violon, mais c'était trop tard. Il faut commencer à cinq ans.

Qui dit piano, plus religion protestante, dit jazz. C'est sûrement là une des clefs de mon « environnement » musical. On retrouve toujours dans le jazz des traces de gospel, ces mélodies religieuses qu'ont transposées les Noirs américains dans leur musique. Aussi quel bonheur lorsque pour la première fois j'ai entendu fredonner Louis Armstrong à la radio !C'était une voix noire qui chantait des mélodies rappelant celles que j'avais apprises au temple. Je me suis reconnu aussitôt dans la chaleur de cette voix et dans ce qu'elle chantait. Le plus bel instrument, c'est la voix...

Comment as-tu découvert le saxophone ?

Par hasard. Le piano, c'était un choix. Mais le saxo, ça a été d'abord une blague entre élèves : « Tu nous casses les pieds avec ton piano... Es-tu capable de jouer du saxo ? » – « Chiche ! » J'ai répondu oui par défi, puis je me suis piqué au jeu. J'ai pris des leçons. Et en bon amateur de jazz, j'ai fantasmé autour des musiciens de jazz américains. Nos héros, alors, c'étaient des Noirs américains, champions de sport ou musiciens : Ray Sugar Robinson, Louis Armstrong, Duke Ellington.

A quelle époque était-ce exactement ?

Le milieu et la fin des années quarante. C'est le moment où Saint-Germain-des-Prés, à Paris, était en pleine effervescence musicale. Nous autres Africains, nous venions exprès de province dans la capitale. Pour écouter le jazz, la musique latino-américaine – le mambo, la samba –et la biguine antillaise. La musique créole a eu une place importante en France dans les années cinquante.

Mais ta musique favorite, c'était le jazz. Que t'a-t-il apporté ?

Une nouvelle palette dans l'imagination, une liberté. Le jazz, c'est l'invention d'un lien entre un continent et un autre même si c'est à travers une histoire terrible. Mais la plus belle fleur pousse sur le fumier...

Tu penses à l'esclavage ?

Bien sûr. Le fumier, c'est l'esclavage, avec tout ce que cela comporte. La fleur, c'est le jazz, fruit de ce qu'ont apporté, d'une part l'Occident, de l'autre, l'Afrique. C'est la musique par excellence du 20e siècle. Elle vous fait même découvrir les autres musiques. Grâce au jazz j'ai pu découvrir et aimer toutes les musiques que j'aime, à commencer par la musique classique. Le jazz est une musique beaucoup plus rigoureuse qu'on le croit habituellement.

Que veux-tu dire ? N'est-ce pas contradictoire avec la liberté dont tu parlais il y a un instant ?

Pas du tout. On improvise d'autant plus qu'on a un solide cadre d'improvisation. Dans le jazz, le thème est connu d'avance : c'est du Gershwin ou du Duke Ellington. Tout le monde est censé le connaître. Le musicien de jazz va s'exprimer dans ce cadre préétabli : c'est comme le sujet qu'on donne, à l’école, dans une dissertation, et qu'il faut traiter en faisant l'introduction, le développement et la conclusion. Jamais le musicien de jazz ne jouera deux fois le même morceau de la même façon. Dans la musique classique, au contraire, vous devez restituer, à la virgule près, ce que le compositeur a créé. Le musicien de jazz a donc une liberté la plus belle parce que la plus difficile.

Que s'est-il passé après ta rencontre avec le jazz ?

Quand mes parents ont vu que je négligeais mes études, ils m'ont coupé les vivres. J'ai dû approfondir ma connaissance de la technique et de la littérature musicales. C'était indispensable. Dans les cabarets où je travaillais, il me fallait, par exemple, accompagner un ballet ou un chanteur soliste. Ça a été précieux pour forger ma personnalité musicale. Moi qui traite une musique comme une peinture, j'ai appris alors à orchestrer, à mêler les sons, les instruments à allier les couleurs entre elles. Peu à peu j'ai pris conscience de mon identité.

Ton identité personnelle, nationale ou culturelle ?

Tout cela ensemble. Il y a d'abord eu les sons des indépendances. A la fin des années cinquante, après avoir passé mon bac, j'ai quitté la France pour Bruxelles où je voulais poursuivre mes études tout en gagnant ma vie. En 1960, on discutait à Bruxelles, sous l'égide de l'ONU, des accords d'indépendance entre la Belgique et le Congo. Dans mon quartier de la porte de Namur, j'ai vécu les tensions, le déchirement, qu'il y avait entre Blancs et Africains. J'ai découvert le prix que l'histoire fait payer aux hommes.

J'ai tout de même eu la chance d'être engagé comme chef d'orchestre aux Anges noirs, une boîte tout à fait branchée, tenue par un Cap-Verdien, que fréquentaient notamment les dirigeants du Zaïre nouveau-né. Pour la première fois un orchestre africain, l'African Jazz, débarquera du Zaïre pour enregistrer en Europe. Son chef, le célèbre chanteur zaïrois Joseph Kabasélé, passera ses nuits aux Anges noirs. Tout Bruxelles, toute l'Afrique danseront alors sur

« Indépendance cha-cha », le tube qu'il avait créé au moment où le Zaïre accédait à l'indépendance.

Tu ne quittais pas le milieu musical noir ?

Mais si. La boîte où je travaillais appartenait à un Noir, mais on ne jouait pas qu'entre Noirs. Des Blancs d'Europe et d'Amérique, des Antillais, des Latino-Américains défilaient aux Anges noirs et y rencontraient des Africains. J'y ai même joué de la musique gitane. Toutes ces musiques, bien sûr, étaient à base de rythme. Outre le tango et le paso-doble, on dansait la samba, le cha-cha, le mambo. Et en plus on jouait un jazz dansant. En fait, dans notre répertoire, aucune musique ne dominait nettement.

Et la musique africaine, au sens propre, comment l'as-tu découverte ?

Ma rencontre avec Kabasélé, le chef zaïrois, allait déclencher une heureuse suite d'événements. Il appréciait le jeu de mon sax ; il m'a invité à faire avec lui des enregistrements de musique congolaise. Les disques que nous avons faits ensemble ont eu un immense succès. En 1961, le premier que j'aie fait avec du piano – il n'y avait pas de pianiste dans l'African Jazz – a plu énormément au Zaïre. Ce pays était le principal marché de la musique noire en Afrique grâce au puissant émetteur radio que les Belges avaient installé là-bas ! Tout le monde, en Afrique, était à l'écoute de Radio Kinshasa, qui diffusait jusqu'à trois heures du matin.

J'ai commencé à composer au Zaïre. Puis, vers le milieu des années soixante, j'ai retrouvé le Cameroun. J'ai découvert mon pays avec des yeux autres. Les portes de l'Afrique s'ouvraient peu à peu pour moi.

Comment se sont passées tes retrouvailles avec ton pays natal ?

Je suis revenu au Cameroun douze ans après l'avoir quitté... Je désirais vraiment réintégrer ma société d'origine. Mais j'avais vécu dans une autre société, avec d'autres règles ; rentrer dans ton pays après en avoir été éloigné si longtemps, c'est difficile.

Après ce long séjour en Occident, tu avais pris, par rapport à ta société d'origine, une certaine distance ?

Oui, j'ai retrouvé un cadre plus contraignant pour l'individu que celui où je vivais en Europe. Je ne connaissais plus très bien les règles de cette société-là, mais je n'en faisais pas moins partie, profondément. La cassure est inévitable, normale pour quiconque se retrouve à cheval entre deux cultures. Le tout, c'est de ne pas perdre son âme. Et pour être bien dans sa peau, il faut se connaître, savoir qui l'on est.

La musique a été un moyen de résoudre ces contradictions ?

C'est l'un des moyens. C'est le contact le plus spontané, le plus naturel qui s'établisse d'un être à un autre. Il commence avec la voix. Qui dit voix, dit déjà musique. Au sortir du ventre de sa mère, on fait déjà de la musique. On a toujours utilisé les sons pour adoucir ou, au contraire, exacerber les sentiments de l'être humain. La musique, c'est un des facteurs essentiels de la connaissance. Le dialogue, c'est d'abord une musique.

Mais une fois qu'on a appris, il faut réapprendre. Il faut dépasser le cadre dans lequel on s'est formé pour aller voir ailleurs. C'est là une curiosité de chercheur, de créateur, qui vaut, je crois, pour tous les métiers. Pas seulement pour ceux qui font de la musique. Au fond, c'est un problème universel. C'est aussi le problème de l'universel.

Qu'entends-tu par l'universel ?

C'est la question la plus difficile !L'universel ou les universels ? Y a-t-il une pluralité dans l'universalité ? Je n'en sais rien. L'universalité, pour certains, est une idée issue de la seule civilisation occidentale. Disons plutôt que les Occidentaux, s'ils n'ont pas eu cette idée les premiers, ont su la vendre mieux que personne – c'est leur talent du marketing... D'autres ne s'en sont pas servis de la même façon, voilà tout.

Acceptons leur formulation de l'universalité comme base de travail et interrogeons-nous. Peut-on greffer sur elle autre chose ?

C'est comme une loi. Peut-on lui apporter – comment dit-on... – des amendements ? Peut-on amender l'universel ? Ou, si vous préférez, la conception occidentale de l'universel me paraît, à moi Africain, un habit seyant, mais un peu juste, un peu étriqué...

Tu composes depuis les années soixante. A quel public t'adresses-tu ? Au monde entier ou plutôt aux Africains ?

Ni à l'un ni aux autres. Je m'adresse à l'être humain.

La tension vers l'universel...

Peut-être est-ce dû au côté noble de la musique. A ce que tout homme peut communiquer avec un autre par le moyen de vibrations musicales. Comme j'aime celui qui m'écoute, je suis prêt à l'écouter à mon tour. Je suis prêt à connaître d'autres musiques, encore et toujours. Au moins ai-je appris à apprendre. Dès lors, je n'en finis plus d'être guidé par ma curiosité.

Mais, en fin de compte, qu'est-ce qui a le plus compté dans ton travail de création ?

Cette curiosité, précisément. Ma soif de connaître autrui. Mais dans quel sens peut-on dire qu'on crée ? Je dirais plutôt qu'on participe. Le son, c'est un magma. C'est à vous de lui donner une forme. Ce n'est jamais la même. Mais vous pétrissez toujours le même magma.

Depuis trente ans ?

Qu'ai-je donné ? J'ai lancé un pont entre mon point d'origine et ma curiosité. J'apporte un son qui a son africanité. J'ajoute ma différence.

Mais en Afrique, est-ce qu'on n'entend pas ta musique comme un peu étrangère ?

Au début, en Afrique, on disait que je faisais de la musique occidentale, que j'étais un Noir-Blanc. Longtemps j'ai eu cette étiquette. En France on me répétait que je faisais de la musique américaine. Et quand je suis allé aux Etats-Unis, les Américains ont trouvé que je faisais de la musique africaine. Plus traître que moi tu meurs !

Un don n'a pas de race. Il existe simplement une race de musiciens. Pour en faire partie, il faut des connaissances. Le musicien, plus encore que le compositeur, perçoit des sons agréables autour de lui et les digère. Il les aime, ils font partie de lui. Pavarotti, Barbara Hendricks, par leur voix, m'ont appris à aimer l'opéra. Ils rejoignent dans mon musée imaginaire Louis Armstrong, Duke Ellington et Charlie Parker. Je n'ai pas trouvé mieux qu'eux. Mozart ne ne m'empêche pas d'être africain. J'aime le mélange. Je suis un « zappeur » né.

En un sens, tu chevauches plusieurs continents ?

Vous savez, quand on est musicien, on ne se lève pas le matin en se disant : « Je fais de la musique africaine », mais : « Je veux faire de la musique ». Un point c'est tout.

Mais n'y a-t-il pas un problème de choix d'instruments ?

Il est le même pour tout musicien !Après avoir appris à jouer d'un instrument, on devient un bon, un moyen ou un excellent instrumentiste. Le tout, c'est d'avoir une sonorité que les gens retiennent. Pourquoi, quand on les entend jouer, reconnaît-on aussitôt Stan Getz, Louis Armstrong ou Manu Dibango ? Chacun a un son qui touche.

Mais introduire dans une culture musicale donnée des instruments qui lui sont étrangers – dans la musique arabe, par exemple, le piano ou le saxophone – n'est-ce pas briser quelque chose dans cette musique ?

Oui, évidemment, cela brise quelque chose. Mais on n'avance jamais sans brisure. Au moment où on a inventé les instruments arabes, il y avait, bien sûr, un code. Ce code est-il à jamais immuable ou peut-il évoluer ? Peut-on ajouter des instruments à une musique qui a existé d'abord sans eux ? C'est aux musiciens, d'abord, de répondre. C'est l'instrumentiste qui dira : « Tiens, cet instrument ne m'apporte rien. » Ou bien : « Celui-là m'apporte quelque chose que je vais adapter à la musique que je joue. »

Comment tires-tu parti d'un instrument nouveau ?

Un exemple. Il y a un instrument traditionnel africain que j'adore : c'est une sorte de sanza avec des languettes en bois. Je voulais l'inclure dans mon langage, mais il ne se joue que dans une certaine tonalité. Comment résoudre cette équation ? Dans le morceau que j'ai composé, j'ai préparé son entrée par une modulation. Puis je fais un bout de chemin en compagnie de la sanza, dans le style et le mode qui lui sont propres.

Le problème, ensuite, c'est de faire sortir l'instrument pour amener autre chose.

J'ai donc choisi d'inclure l'instrument sans le dénaturer. Mais on pourrait aussi vouloir en modifier le son : « Tiens, la sanza sonne bien, mais si j'ajoute ici un bout de coton ou un morceau d'allumette, est-ce que je n'obtiendrai pas un quart de ton en plus ? » C'est un choix personnel.

Tu ne te poses pas la question en termes de références culturelles ?

Les références doivent venir naturellement. En musique il n'y a ni passé ni futur, seulement le présent. Il me faut composer la musique de mon époque, pas celle d'hier. De tout temps, on m'a accusé de « piller ». Comment créer si on ne s'empare pas de ce qui fait l'épaisseur du temps ? Pas de créateur qui ne soit un peu vampire : la peinture, la littérature, l'information fonctionnent comme la musique.

Certains musiciens craignent d'accéder à cet universel. Mais, sans cette perspective, à quoi bon naître ? Où sont la curiosité, l'énergie, le mouvement, si l'on vit cloisonné, pieds et poings liés, dans un coin de terre pendant soixante-dix ans ?