Le développement est un maître mot qui a traversé toutes les idéologies politiques. Il n'a pourtant jamais été pensé en profondeur.
Actuellement, trois révolutions sont en cours dans le domaine de la connaissance et surtout de la science. Elles vont entraîner une analyse différente du développement:
— la science croyait pouvoir affirmer des certitudes, nous savons à présent qu'il faut faire place à l'incertain;
— la science croyait pouvoir traiter les problèmes séparément les uns des autres, mais tout ce qui est lié à un contexte et à un système ne peut plus être isolé;
— il était admis qu'une seule logique rationalisatrice suffisait à la compréhension de la réalité, la rationalité s'est désormais ouverte à de nouvelles logiques.
Une profonde remise en cause du devéloppement
Ces démarches ont remis en cause le présupposé selon lequel le progrès n'entraînerait que des conséquences positives et mènerait inéluctablement au développement de l'être humain. Nous savons aujourd'hui que la technologie est ambivalente et que l'homme, comme la nature, doivent être protégés de ses effets négatifs.
Ces démarches ont permis de comprendre qu'on ne peut séparer l'économique, le social, l'humain et le culturel. En particulier, lorsqu'on occulte le lien entre l'économique et le non-économique, on néglige tout ce qui n'est pas quantifiable. On élabore alors des modèles économiques intellectuellement satisfaisants mais inaptes à rendre compte de la réalité. On n'a pas tenu compte, jusqu'à présent, de l'effet destructeur qu'avait le développement technique et économique tant sur le patrimoine culturel que sur la nature. Cet effet destructeur explique que le fondamentalisme fasse de nombreux adeptes et qu'il trouve ses leaders parmi les intellectuels possédant les outils de la connaissance moderne mais ayant été déçus par cette dernière.
C'est donc la fin du concept euphorique du développement qui privilégiait l'idée de modèle applicable en toutes circonstances.
Une voie nouvelle
L'idée de développement doit être replacée dans un complexe naturel, historique, social et culturel. Mais il nous manque encore la conscience d'une communauté de destin terrestre. Il faut favoriser l'émergence d'une solidarité humaine qui s'appuierait sur un lien matriciel entre les hommes, l'idée de terre-patrie par exemple. Comme l'a exprimé le poète Machado: Marcheur, il n'y a pas de chemin, le chemin, c'est toi qui le fais en marchant.» Il nous faut chercher une voie nouvelle en tentant de s'inspirer de cette pensée d'Heraclite: «Tu ne peux pas espérer si tu ne cherches pas l'inespéré.»
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