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Notre eau bien-aimée, malmenée

La demande en eau n’a jamais été aussi forte. En cause : la croissance démographique, l’évolution des modes de consommation alimentaire ou encore les besoins accrus en énergie. C’est ce que souligne la nouvelle édition du Rapport mondial des Nations Unies sur l’évaluation des ressources en eau, L’eau dans un monde qui change, qui insiste notamment sur le rôle joué par l’eau dans le développement et la croissance économique. 

Alors que la demande augmente, certains pays atteignent déjà les limites de leurs ressources en eau. Les effets attendus du changement climatique devraient encore accentuer ce phénomène. Une compétition pour l’eau se dessine – entre les pays, entre les zones urbaines et rurales, mais aussi entre les différents secteurs d’activité — qui risque de se traduire à l’avenir par une politisation plus marquée des questions relatives à l’eau.

L’accès à l’eau demeure un problème majeur pour une large part du monde en développement. Le lien entre pauvreté et ressources en eau est évident : le nombre de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour coïncide approximativement avec celui des personnes qui n’ont pas accès à une eau potable salubre.

Résultat : 80% des maladies dans les pays en développement sont liées à l’eau et causent la mort prématurée de trois millions de personnes chaque année. Sans oublier que toutes les 17 secondes un enfant meurt de diarrhée dans le monde. Sil’on améliorait l’approvisionnement, l’assainissement et la gestion des ressources en eau, un dixième des maladies pourraient être évitées à l’échelle mondiale.

Un kilo de viande = 16 000 litres d’eau

Tandis qu’une partie de la population reste privée d’un accès satisfaisant à l’eau, la demande en eau n’a jamais été aussi forte. Au cours des 50 dernières années, les zones irriguées ont doublé et les prélèvements d’eau douce ont triplé. Un phénomène lié notamment à la croissance de la population. Aujourd’hui de 6,6 milliards, elle augmente de quelque 80 millions de personnes chaque année. Cela se traduit par une demande supplémentaire en eau de 64 milliards de mètres cube par an.

La croissance démographique se traduit par des besoins accrus en produits agricoles et, par conséquent, en eau. L’agriculture demeure le secteur le plus gourmand en eau : il représente à lui seul 70 % de la consommation, contre 20 % pour l’industrie et 10 % pour les besoins domestiques.

Ces dernières années ayant été marquées par une évolution des habitudes alimentaires, le besoin en eau a considérablement augmenté. À titre d’exemple, si la production d’un kilo de blé nécessite de 800 à 4 000 litres d’eau, un kilo de viande de bœuf en demande entre 2 000 et 16 000 litres.

Une pénurie d’eau liée au changement climatique est également à prévoir. Selon les prévisions des experts, en 2030, près de la moitié de la population vivra dans des régions déjà soumises à un fort stress hydrique, ce qui aura un impact décisif sur les migrations : on estime que 24 à 700 millions de personnes pourraient être forcées de migrer pour des raisons liées à l’eau.

C’est dire que l’eau est l’une des questions clés que les pays, notamment les pays en développement, doivent affronter. Pourtant, le pourcentage du budget consacré par les gouvernements et l’aide publique à ces domaines est inadéquat. Ainsi, l’aide publique au développement allouée au secteur de l’eau dans son ensemble est en diminution et représente à peine 5 % du flux total de l’aide.

En même temps, la corruption dans le domaine de l’eau pourrait alourdir les coûts de ces investissements : volumes de consommation falsifiés, favoritisme dans la commande d’équipement, népotisme dans l’attribution des marchés publics sont les formes de corruption les plus répandues. Selon certaines études, jusqu’à 30 % des budgets consacrés à l’eau pourraient faire l’objet de détournement dans certains pays. Bien que ces pratiques soient rarement combattues, certains pays, comme l’Afrique du Sud, ont pris des initiatives pour lutter contre ce phénomène.

Gérer les crises

Confrontés à des pénuries croissantes, certains pays ont déjà commencé à intégrer leur stratégie de gestion des ressources en eau à leur plan de développement.

Bien qu’il reste limité, le recyclage des eaux usées à des fins agricoles est déjà pratiqué par certains pays : 40 % des besoins de Gaza (Territoires palestiniens), 15 % de ceux d’Israël et 16 % de ceux de l’Égypte sont couverts par le recyclage des eaux usées. La désalinisation de l’eau de mer est un autre procédé utilisé dans les régions arides. Il est utilisé pour obtenir de l’eau potable (24 %) et pour les besoins de l’industrie (9 %) dans des pays qui atteignent les limites de leurs ressources renouvelables (Arabie Saoudite, Israël, Chypre…).

Le projet d’Anatolie du Sud-Est (GAP) en Turquie mérite qu’on s’y attarde. Son coût total est estimé à 32 milliards de dollars. Dix-sept milliards ont été investis jusqu’ici. Les revenus par fermier ont triplé avec le développement de l’irrigation. L’électrification dans les zones rurales a atteint 90 %, les taux d’alphabétisation ont augmenté, les taux de mortalité infantile ont baissé, le nombre des entreprises a doublé et un système plus juste de propriété des sols s’applique désormais aux zones irriguées. Les zones urbaines desservies par l’eau ont quadruplé. De fait, la région a cessé d’être la moins développée du pays.

L’Australie a également amorcé un virage dans sa politique. Ce changement s’est traduit par différentes mesures. Des restrictions ont été mises en place (arrosage des jardins, lavage de voitures, remplissage des piscines…) dans toutes les grandes villes australiennes. À Sydney, un double système de distribution a été mis en place en 2008 avec un circuit qui achemine l’eau potable et un autre qui distribue une eau impropre à la consommation mais disponible pour d’autres usages. Ce dossier du Courrier vous propose une série d’articles illustrant les points saillants du dernier Rapport mondial sur l’eau, intitulé L’eau dans un monde qui change.

Agnès Bardon

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Mars 2009

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