
Les Droits de l'homme... demain
L'exigence des droits de l'homme est trop ancienne et trop profonde, leur violation a été trop brutale et trop générale en des temps récents et elle est encore trop répandue aujourd'hui pour qu'il nous soit permis de nous borner à célébrer des résultats acquis...
Je me demande parfois si la grande affaire n'était pas, d'abord n'est pas, plus que jamais d'approfondir pour mieux comprendre : et, pour cela, d'éveiller ou d'adapter l'esprit à la pensée même des droits de l'homme, laquelle est loin d'être aussi instinctive et familière que l'on croit ou. affecte généralement de le croire.
C'est un fait, en tous cas, que nous avons vu au cours des années ^des mots précieux s'user à force d'être prononcés mécaniquement, sans référence a leur fond spirituel nourricier. Et voici qu'aujourd'hui on s'aperçoit que les droits de l'homme courent le risque de perdre leur prestige et leur force d'inspiration, avant même d'avoir été pleinement assimilés et réalisés.
Dans plusieurs pays, dans certains milieux, on entend dire que ces droits n'ont plus de sens ou plus de sève en une époque révolutionnaire, où il est normal de sacrifier la justice et le bonheur de maintenant à la vertu et à la prospérité de demain. D'autres les déclarent vides de substance dans une civilisation technicienne, où la productivité est la valeur suprême et où les deux problèmes décisifs sont ceux de l'accroissement et de la répartition des biens. D'autres encore, apocalyptiques ou indifférents, proclament simplement la fin de l'homme, voire son inexistence, et en tout cas celle de l'humanisme. Que l'on y prenne garde, l'homme n'est plus très à la mode chez les conducteurs de peuples, les technocrates et les beaux esprits de la planète.
René Maheu, Director-General of UNESCO
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