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Environnement et développement: un pacte planétaire

Il y a cinq siècles, la découverte du Nouveau Monde montrait que la Terre était bien ronde. Et donc limitée. Paradoxalement, l'immense étendue des terres ainsi révélées permettait aux humains de persévérer jusqu'à nos jours dans l'illusion que tes richesses de la nature étaient inépuisables, et qu'ils pouvaient impunément continuer à croître en nombre et à multiplier indéfiniment leurs besoins.

En vérité, tes ressources de la planète sont encore considérables, mais la course est engagée entre ces besoins vitaux ou superflus et les moyens de les satisfaire. Malgré les percées de la science et tes prodiges de la technique, nous sommes bien loin d'être assurés de pouvoir la gagner. La poussée démographique sans contrôle à laquelle on assiste encore surtout dans les pays pauvres et la consommation effrénée de biens matériels et d'énergie surtout dans tes pays riches se conjuguent dans un modèle de développement économique qui pèse trop lourd sur toutes tes composantes de notre environnement, et qui n'est pas « durable ».

Ce numéro du Courrier, en cherchant à donner quelques aperçus sur tes manifestations de cette crise de l'environnement, montre bien qu'il s'agit tout autant d'une crise du développement. Environnement et développement : tes deux faces d'un même dilemme dans la poursuite de l'aventure humaine, le sujet brûlant de la Conférence des Nations Unies qui se tiendra à Rio de Janeiro en juin 1992.

C'est un sujet que l'UNESCO connaît bien, puisque dès son origine elle n'a cesse' de s'en préoccuper. En 1948, c'est en effet sous son égide qu'était fondée l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). A la même époque, elle mettait en oeuvre un programme scientifique pour l'étude et l'utilisation des régions arides. En 1961, elle établissait en son sein la Commission océanographique intergouvernementale, afin de promouvoir une coopération mondiale dans l'étude des mers, de leurs ressources, de leur protection et de leur influence sur la vie de la planète. Dans le même temps s'organisaient des travaux sur l'écorce terrestre, ses richesses et les risques naturels qu'elle engendre. En 1964, était lancée la Décennie hydrologique internationale afin de mieux connaître et de mieux gérer tes ressources en eau de tous tes pays. Enfin, en 1968. l'UNESCO organisait la Conférence sur l'utilisation rationnelle et la conservation des ressources de la biosphère, d'où allait sortir le programme interdisciplinaire sur « l'homme et la biosphère » (MAB), qui se trouve toujours au centre de ses activités relatives à l'environnement.

En 1972, la Conférence des Nations Unies à Stockholm suscitait au sein de l'opinion publique et parmi tes Etats un regain d'intérêt pour tes questions d'environnement conduisant bien sûr l'UNESCO à poursuivre ses programmes scientifiques internationaux. Elle l'invitait en outre à promouvoir et renforcer l'éducation relative à l'environnement, tant au niveau scolaire qu'universitaire. Dans le même temps, l'adoption de la Convention sur le patrimoine mondial culturel et naturel affirmait la double nature de notre héritage commun et l'indispensable coopération des nations pour en conserver tes grands symboles.

L'UNESCO s'est donc depuis longtemps placée à la croisée des chemins qui, par l'éducation, la science et la culture, tendent à réconcilier le développement et l'environnement, à renouer l'alliance première de l'homme avec la nature.

Cependant, les efforts consentis jusqu'ici, tant au plan national qu'international, sont encore bien loin d'être suffisants. L'entreprise demandera du temps avant de porter ses fruits. Elle implique une révision profonde de modes de pensée et de mécanismes économiques profondément ancrés dans tes pays Industrialisés et pius ou moins acceptés comme modèles dans les autres, ainsi qu'un changement radical des habitudes et des attitudes, qui sera perçu par beaucoup comme un sacrifice.

Cette entreprise prescrit que tes préoccupations du court terme n'occultent plus tes impératifs à long terme, et conduit à prendre, par précaution, des décisions Impopulaires qui ne sont pas fondées sur des certitudes absolues. Elle réclame une refonte d'institutions par trop sectorielles et un bouleversement des priorités d'investissement. Elle signifie que tes pays riches acceptent d'accroître leur aide aux pays pauvres pour la prise en compte de l'environnement (c'est ce qu'on a appelé le principe d'« additionnante »), et qu'en contrepartie ces derniers acceptent de réorienter certains projets de développement pour protéger l'environnement (c'est le principe de « conditionnante »).

Enfin, cette entreprise exige l'adoption d'une nouvelle comptabilité économique permettant d'apprécier tes valeurs, jusqu'ici ignorées, de l'air pur, de l'eau propre, des animaux sauvages et des paysages. Elle invite à une éthique nouvelle et à une solidarité globale. Elle demande que chacun d'entre nous prenne conscience des enjeux, examine ses comportements et montre l'exemple. Sans plus attendre. 

Michel Batisse

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Retrouvez l'interview de Jacques Cousteau, consacré à la protection de l'environnement mondial menacé par la folle expansion économique et démographique de l'être humain, ici ou dans les pages 8-13 du PDF.

Novembre 1991

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