Décrivez les principales caractéristiques de la mesure/initiative:
Fondé en 2004 par trois acteurs culturels, l’artiste-peintre Denis Martinez, le spécialiste du livre Salah Silem et l’animateur culturel Hacène Metref, le festival Raconte-Arts est né pour redonner vie aux villages de montagne endeuillés par dix années de terrorisme sanglant. Après trois années de sédentarité à At Yani, il est devenu itinérant à partir de 2007. Aujourd’hui, ce festival a sillonné les plus grands villages de la wilaya de Tizi-Ouzou et a été organisé, une fois, à At Smail dans la wilaya de Bejaia.
Le festival Raconte-Arts dure une semaine et tombe en général à la deuxième moitié de juillet.
L’édition 2020 a été convertie en virtuelle à cause de la pandémie du Coronavirus.
La philosophie de Raconte-Arts répond à plusieurs objectifs culturels, sociétaux et environnementaux :
- Favoriser la diversité culturelle et donner à l’interculturalité tout son sens et consistance ;
- Dépasser l’écueil des langues en présentant des spectacles et des communications dans différentes langues ;
- Susciter la création en produisant pour le festival et en présentant des inédits ;
- Réduire au maximum ce qui relève du cérémonial pour faire de l’événement un espace à caractère populaire authentique ;
- Transformer le rapport artistes/public en privilégiant l’interaction et l’échange ;
- Investir les espaces publics comme « tajema‘it » (lieu de l’assemblée du village) qui est un espace politique et social pour en faire aussi un espace culturel de liberté ;
- Multiplier les partenaires pour la mise en synergie des moyens et faire rentrer le sens du partenariat dans nos mœurs ;
- Faire rencontrer les artistes en herbe avec les artistes confirmés ;
- Faire la part belle aux enfants dans notre programmation pour dire qu’ils sont le présent et non pas seulement l’avenir ;
- Laisser des traces de la manifestation : enregistrement de bande sonores, films et publications et contribuer à la dissémination de l’expérience dans tout le territoire national, voire au-delà ;
- Sensibiliser aux problèmes environnementaux ;
- Valoriser les patrimoines matériels et immatériels locaux ;
- Ouverture sur le monde en se confrontant aux pratiques culturelles d’artistes étrangers ;
- Prise de conscience des villageois sur le potentiel touristique de leur village et ses environs ;
- Initiation au tourisme solidaire en amenant les villageois à créer des gîtes ruraux et des maisons d’hôtes ;
- Réhabilitation du conte qui retrouvera son aura dans une région qui a produit de célèbres contes au monde
- Remise de la lecture publique au cœur des préoccupations citoyennes dans les villages.
Raconte-Arts s’adresse à un public de villageois dans les montagnes de Kabylie. Les prestations se font donc en zone rurale. Adressée à un public hétéroclite, la démarche met les enfants au cœur de l’action. C’est l’action culturelle et éducative qui commence par la base.
C’est un festival multidisciplinaire qui fait place à tous les arts possibles et imaginables : musique, chant, théâtre, danse, cinéma, etc. avec comme priorisation les arts de rue et le conte. Une des activité phares du festival est « La Nuit du Conte » qui se déroule en soirée, généralement sur la place du village et consiste en divers spectacles de conte pour les petits et pour les grands.
Pour la littérature, des conférences sur divers thèmes sociétaux et une rencontre intitulée : « Un livre Un auteur » qui donne la parole à une trentaine d’écrivains afin de parler de leur dernier ouvrage.
Dans ce melting-pot culturel, Raconte-Arts essaie également de faire revivre les traditions et rituels locaux, comme le carnaval « Ayred » à yennayer ou la déambulation nocturne avec des bougies qui est une restitution d’une tradition kabyle durant l’Aïd intitulée « Ziari ».
Dans chaque édition, le festival s’établi dans un village et un thème est valorisé tout au long de l’édition :
2004 : Ath Yenni, « La fenêtre du vent »
2005 : Ath Yenni, « Les sept djemaâs revisitées »
2006 : Ouadhias, « L’appel de la montagne »
2007 : Ouadhias et Aït Yahia Moussa, « Culture de montagne, culture de résistance »
2008 : Ighil Bouammas (Iboudraren), « Des mots comme un chapelet sur les montagnes »
2009 : Bouzeguen, « La Kabylie, aux portes de l’Afrique »
2010 : Aït Smail, « Terre-eau-feu, beauté de femmes »
2011 : Taourirt Mokrane (Larbaâ Nath Irathen), « Écouter la voix des ancêtres, éclairer la voie de l’avenir »
2012 : Djemâa Saharidj (Mekla), « Sur le chemin des sources se racontent les arts »
2013 : Ath Yenni, « Cheminement créatif »
2014 : Agoussim (Illoula Oumalou), « Debout compagnons de chœur, entamons la marche »
2015 : Iguersafène (Idjeur), « L’esprit de Tajmaât réinventé »
2016 : Soumaâ, « Il était une fois le Royaume de Koukou »
2017 : Aït Ouabane (Akbil), « Pour que nul n’oublie le chemin »
2018 : Tiferdoud (Iferhounène), « Les vents hurlants »
2019 : Sahel (Bouzeguen), « Nedjma, l’inextinguible matière »
2020 : édition virtuelle, « La Fenêtre du Web »
L’édition 2021 est prévue au village d’Ait Aissi dans la commune de Yakouren.
Raconte-Art est un festival international parmi les rares festivals indépendants en Algérie. Il fonctionne par immersion et implication totale des villages qui'ils l’abritent.
Durant sept (7) jours, le festival transforme le village en grande scène et les ruelles deviennent une galerie d’exposition à ciel ouvert. Le village prend en charge la restauration de tous participants. Les villageois sont à la fois organisateurs, spectateurs et acteurs, ils présentent eux-aussi des spectacles et participent aux différents ateliers. Les artistes sont presque tous logés chez l’habitant, quant aux visiteurs, ils dorment en bivouac ou dans leurs voitures en dehors du village.
Le village est totalement transformé par les plasticiens qui interviennent sur les murs et l’une des interventions in situ marquante est celle de l’artiste peintre algérien Denis Martinez qui intervient à chaque fois dans un lieu symbolique et central du village. C’est aussi et surtout un festival de l’oralité puisqu’il met à l’honneur le conte comme tradition et forme d’expression littéraire et scénique mais, il laisse une place importante à l’écriture et à l’image puisqu’il produit chaque année une belle revue du festival et un film documentaire qui retrace et immortalise chaque édition.
Site web de la mesure/initiative, si possible:
Quels sont les résultats atteints jusqu’à présent grâce à la mise en œuvre de la mesure/initiative ?:
Raconte-Arts jouit d’une grande médiatisation et sympathie de la part des artistes, des professionnels de la culture et des villageois.
Les résultats obtenus ont dépassé largement les attentes des organisateurs et le festival évolue à vitesse exponentielle. L’engouement du public et des artistes ne cesse d’augmenter. En l’espace de dix ans, le festival est passé de 50 artistes participants à 500 artistes en une seule édition. La demande des villages qui veulent accueillir le festival est de plus en plus importante.
Raconte-Arts est un festival où le bénévolat de tous les organisateurs et l’engagement non rémunéré des artistes est de règle. Cela, permet d’économiser et de réduire de façon rigoureuse la facture de la manifestation.
Pendant les neuf (9) premières éditions, Raconte-Art fonctionnait exclusivement en autofinancement, entre notre LACD et le comité de village accueillant.
C’est les membres de la Ligue qui ont financé les premières éditions avec leur propre argent, quant aux villageois, ils ont pris en charge la restauration et l’hébergement des participants. Cela fait partie des conditions négociées à chaque fois avec les villages.
Depuis la 10e édition, le village reçoit une aide de la part de l’Assemblée populaire de la wilaya de Tizi-Ouzou qui est devenue plus importante au fil de l’évolution du festival :
2013 : 500 000 Dzd,
2014-2016 : 1 000 000 Dzd par édition
2017-2019 : 3 000 000 Ddz par édition (24 000 $)
Le festival en participant à l’appel à projet de l’Institut français d’Algérie reçoit également une subvention de 3000 euros.
Le sponsoring est entré plus tardivement dans la comptabilité du festival qui arrive aujourd’hui à décrocher quelques subventions ou des prestations de service offertes gracieusement.
La prise en charge de la restauration et de l’hébergement reste toujours du ressort du village d’accueil.
Les institutions publiques (fonds de la wilaya, direction de la culture, doivent s’impliquer davantage dans cet événement culturel devenu une identité locale de la région et humaine dont les échos dépassent largement les frontières du pays.
Au 20e anniversaire du festival, il serait opportun de :
- Éditer un beau livre ou un album du Raconte-Arts ;
- Publier un disque de 19 titres, musique ou chant ou récit, représentatifs des 19 éditions écoulées ;
- Réaliser un film documentaire professionnel du parcours exceptionnel du festival et de cette aventure.