La propagation des maladies le long des Routes de la Soie : le développement de la botanique médicale et de la pharmacologie

Open page from an ancient book on botany preserved in the Library of University of Barcelona / CC BY 2.0

Cet article est le troisième d'une série traitant de la propagation des maladies le long des Routes de la Soie, qui examine la manière dont les personnes ont réagi à la maladie et étudie comment nous pouvons répondre aux nouveaux défis qui se présentent aujourd'hui. Il se base Routes de la Soie comme un exemple instructif des avantages d'un monde interconnecté fondé sur la collaboration et le partage de connaissances pertinentes et fiables. Cet article décrit le développement précoce de la botanique médicale et de la pharmacologie au Moyen Âge et identifie le rôle important des Routes de la Soie dans cette incroyable période d'érudition, en particulier dans le domaine de la médecine, au cours des VIIIème et IXème siècles de notre ère.

Au cours de l’histoire, le commerce et les mouvements ont inévitablement joué un rôle majeur dans la propagation de maladies infectieuses telles que la peste et la variole. Cependant, alors que les maladies parcouraient sans aucun doute les Routes de la Soie, il en était de même des connaissances sur les propriétés médicinales de diverses substances qui pouvaient être utilisées pour atténuer les effets des maladies. En matière de développement de la pharmacologie, l'interconnectivité facilitée par les Routes de la Soie a contribué à créer un environnement dans lequel la synthèse d'un large éventail de traditions médicales de toute l'Eurasie pouvait être réalisée et permettait le commerce de substances médicinales, principalement des plantes pouvant être échangées sur de vastes distances. Au cours des VIIIème et IXème siècles de notre ère, le mouvement des personnes et des connaissances à travers les Routes de la Soie a facilité la traduction généralisée des travaux d'autres parties du monde en arabe, rendant un large éventail de savoir accessible aux scientifiques travaillant dans le domaine de la médecine dans des centres universitaires comme Bagdad ou Le Caire. Ainsi, la médecine islamique a synthétisé les connaissances médicales existantes, y compris celles développées dans la Grèce antique et à Rome, et les a combinées avec les connaissances d'autres régions le long des Routes de la Soie telles que la Chine et le sous-continent indien.

Deux domaines médicaux ont grandement bénéficié de l'interconnexion facilitée par les échanges le long des Routes de la Soie et se sont considérablement développés au Moyen Âge : la botanique médicale – l’étude scientifique de la valeur médicinale de la vie végétale ; et la pharmacologie – la branche de la médecine concernée par les usages, les effets et les modes d'action des médicaments thérapeutiques. Le développement de la pharmacologie s'est fortement appuyé sur la botanique médicale, une pratique qui consistait à répertorier les nombreux usages et effets de différentes plantes. Parmi les premiers botanistes médicaux se trouvaient les anciens Grecs Dioscoride, qui a produit l'un des premiers traités pharmacologiques au Ier siècle de notre ère, et Théophraste (372-287 av. JC) qui a décrit et classé les nombreuses utilisations thérapeutiques des plantes.

La pharmacologie a commencé à se développer considérablement au Moyen Âge. Lorsque l'islam s'est étendu au-delà de la péninsule arabique jusqu'au plateau iranien, dans certaines parties de l'Asie centrale et de l'Afrique du Nord à la fin du VIIème siècle, sa croissance a coïncidé avec un âge d'or de l'érudition dans les sciences. Pendant ce temps, des universitaires musulmans et non musulmans ont travaillé à partir de textes traduits en arabe venant du grec, du persan et du syriaque. Des avancées majeures dans les sciences médicales ont été faites, elles s'appuyaient sur les connaissances des civilisations précédentes, comme celles de la Grèce, de la Mésopotamie ancienne et de l'Iran. Elles englobaient également des connaissances médicales d'autres régions qui étaient arrivées au monde islamique via les Routes de la Soie. C’est pourquoi au plus fort du califat abbasside, un groupe de brillants érudits venant de toute l'Eurasie a été appelé à la cour de Bagdad ainsi qu'à d'autres centres universitaires tels que Boukhara, Merv, Gundishapur et Ghazni. Le médecin Razi (845-932), les érudits Avicenne (980-1037) et Al-Biruni (973- vers 1050), ainsi que le botaniste et pharmacien Ibn al-Baitar (1197-1248) faisaient partie des savants de cette période.

Ces chercheurs ont produit de nombreux textes notables, dont le texte médical le plus célèbre de Razi reste son traité sur la médecine (Kitab Al-Hawi), sur lequel il a travaillé pendant 15 ans. Le texte est resté inachevé au moment de sa mort mais a été par la suite complété par ses étudiants. Cette initiative remarquable, composée de 30 volumes, a couvert toutes les branches de la médecine médiévale en commençant par un vaste aperçu du sujet, y compris des citations de médecins grecs et indiens, complétées par les propres commentaires et observations personnelles de l'auteur. De même, le "Canon de la médecine" (Qanun) d'Avicenne, une encyclopédie de médecine en cinq volumes achevée en 1025, a présenté un aperçu des connaissances médicales du monde islamique, influencées par les traditions antérieures, y compris par la médecine gréco-romaine (en particulier les œuvres de Galien). Cette encyclopédie présentait également les traditions médicales persanes, chinoises et indiennes. Le deuxième livre de son œuvre comprenait une liste détaillée des substances médicales accompagnée d'essais sur leurs utilisations et propriétés générales.

Les échanges le long des Routes de la Soie ont joué un rôle essentiel dans une grande partie de cette bourse. Malgré la description de nombreux médicaments chinois dans son ouvrage "Livre des médicaments et des aliments simples", le célèbre botaniste Ibn al-Baitar, qui s'est rendu jusqu'au plateau anatolien pour récolter des plantes, n'est pas allé jusqu'en Chine. En effet, il a pu décrire de nombreuses plantes qui lui sont parvenues grâce aux flux des échanges commerciaux et culturels le long des Routes de la Soie. De même, Avicenne a incorporé la connaissance des médecines chinoises dans ses travaux, écrivant sur le mélange "suk", censé traiter les palpitations cardiaques et protéger le foie des blessures. Un autre érudit de cette époque qui a écrit des manuels pharmacologiques et pharmaceutiques était Muvaffak, qui a beaucoup voyagé à travers le sous-continent indien à la recherche de substances médicales, et dont le "Livre des remèdes" (Kitab al-Abnyia), écrits en persan en 950 contiennent des descriptions et des recettes pour 585 médicaments, dont 466 obtenus à partir de plantes, 75 à partir de substances minérales et 44 à partir de substances d'origine animale. 

Il est important de noter que, bien que de nombreuses plantes médicinales de ces ouvrages aient depuis été remplacées par des médicaments modernes synthétisés par des processus chimiques, un certain nombre de substances identifiées comme ayant des propriétés médicales au Moyen Âge étaient efficaces. Les hommes ont utilisé des remèdes à base de plantes au cours de l'histoire pour soulager de nombreuses maladies courantes, comme le rhume, les allergies et les problèmes digestifs. Par exemple, bien que l'aspirine, un analgésique, soit maintenant synthétisée chimiquement, un composé similaire à l'acide salicylique présent dans l'aspirine est présent dans l'écorce de saule qui était utilisée dans le monde antique afin de bien soulager la douleur.

Ces premières études sur les propriétés médicinales des plantes et d'autres substances ont fondé les bases de la branche moderne de la médecine connue sous le nom de pharmacologie. À l'aide d'informations, de traductions et de documents provenant de diverses régions des Routes de la Soie, les chercheurs ont compilé de multiples collections de connaissances médicales, alors qu'eux-mêmes n'avaient jamais été en Chine ou bien dans le sous-continent indien. Cela témoigne donc des échanges manifestes que ces routes ont facilités et de l'importance de ces canaux d'échange qui ont été très enrichissants pour le développement de nombreux domaines scientifiques.

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